mardi 26 août 2014

ORIGINE DES COCHONS AUX SAMOA















ORIGINE DES COCHONS AUX SAMOA




       Il y avait aux îles Fidji, il y a bien longtemps, un grand chef, puissant et redouté. Tous les ans, il allait lui-même lever un tribut d’hommes sur les îles Samoa. Ces hommes étaient destinés à lui servir de nourriture.

       Aux îles Samoa vivait un homme appelé Cici et sa femme dont le nom était Sau. Cette dernière était sœur de Tiitii.

       Ce couple fut capturé et emmené, comme bien d’autres, aux Samoa. La femme y devint grosse … Mais au lieu de grossir comme celui de toutes les femmes enceintes, son ventre devint énorme. Au lieu de porter pendant neuf mois, elle accoucha au bout de quatre mois seulement. La surprise fut grande quand on s’aperçut qu’elle avait mis au monde … plusieurs petits cochons ! La pauvre mère se mit à les allaiter …
Espérant que leurs noms leur survivraient, le mari et la femme appelèrent les petits cochons Sau et Cici.

       Aujourd’hui encore, aux Samoa, on ne se sert que du mot sau, sau, quand on veut appeler les cochons et les faire venir … et quand on veut les faire fuir, on crie « Cici, Cici ! ».

       En voyant ces petits cochons, les chefs eurent la fantaisie d’en vouloir manger pour voir s’ils étaient bons.

       Ils en firent tuer un. Les chefs le firent préparer et tous affirmèrent que la chair était aussi bonne que la chair humaine.

       Le grand chef était enchanté de cette expérience. Il dit à la pauvre Sau :

-         « Ton fils était délicieux. Tâche donc d’accoucher d’autres enfants comme ça, et je te promets la liberté. En outre, je te laisserai un enfant … Tu pourras l’emmener avec toi. »

       Le grand chef tint sa parole : Une grande pirogue fut préparée et équipée de bons pagayeurs.
Il y fit embarquer Cici et sa femme, et leur fils, et leur fille. Tous, ils débarquèrent peu de temps après aux îles samoa.

       On suppose que Sau continua à mettre au monde des petits cochons …

       Il faut ajouter qu’en venant des îles Fidji aux Samoa, la pirogue avait chaviré en approchant de Tutuila. Les matelots des îles Fidji étaient tombés à l’eau … Ils s’en prirent aux dieux … Ceux-ci ne les firent pas périr, mais, pour se venger, ils les changèrent en marsouins.. Seuls Sau et Cici avaient été sauvés … c’est depuis ce temps-là qu’aux Samoa, on appelle les marsouins « L’équipage de Sau-Cici ».

lundi 26 mai 2014

ET TANGALOA CRÉA LA TERRE, PUIS L'HOMME ...


Création de la terre et de l'homme.
Îles Samoa

                                 *         






             Tangaloa était le dieu du ciel. Sina était sa fille. Tuli était l'oiseau de Sina. Un soir, comme d'habitude, Tuli remonte au ciel, après avoir erré tout le jour, comme à son habitude. Il est bien fatigué : Sur quoi aurait-il pu se reposer, puisqu'il n'existe que l'océan ? 

          L'oiseau se décide à aller plaider devant Tangaloa, le grand dieu ... Il le supplie de bien vouloir lui préparer sur la mer un endroit où il puisse se reposer en plein jour. 

          -" Va ... Tu trouveras demain ce que tu demandes."

          Tuli s'en va et, le lendemain, il trouve une île sablonneuse où se reposer. 

          Un soir, remontant au ciel, il rencontre Tangaloa. le dieu lui demande s'il a trouvé ce qu'il a désiré :

           -" Oui, répond l'oiseau ... Mais sur cette île, il n'y a que du sable ...!"

            -" Et que voudrais-tu donc d'autre ?"

            - " Je voudrais qu'il y eût des montagnes, que ces montagnes soient couvertes d'arbres. Je voudrais que, dans cette île, on pût trouver tout ce qui est nécessaire à la vie ..."

            -"Retourne donc et, demain, tu trouveras tout ce que tu demandes."

          Quand Tuli, le soir, remonta au ciel, comme à son habitude, Tangaloa lui demanda :

           -"Tu as trouvé ce que tu avais demandé ?"

           -" J'ai trouvé tout ce que j'avais demandé ... Mais il manque encore quelque chose ! - Il faudrait quelqu'un pour gouverner cette île. "

            -"Et que veux-tu ?"

            -" Je veux un homme, fait à votre ressemblance."

              Tangaloa prit un morceau de craie blanche et il se mit à dessiner sur une planche l'homme demandé ... Quand il eut fini de dessiner, il dit :

              -"Tiens ... Voilà ton homme !"

              L'oiseau était insatiable. Il demanda :

              -" C'est bien son image, mais cela ne suffit pas; il faut d'abord lui donner un nom."

               -" Eh bien ! Appelons-le Tamaloa. Nous nommerons sa tête Ulu."

                -"Oui, mais alors, nous nommerons le derrière de sa tête Tuli Ulu parcequ'il ne faut pas m'oublier."



                              Daniel Bergagna

                -"Accordé, dit le dieu. Comment appellerons-nous le corps ?"

                 -"Appelons-le Tino, et puis nous nommerons l'épine dorsale Tuli Tua. Les bras ? - Lima.  Et les coudes Tulil Ima - Les jambes, Vaevae - Et les genoux Tuli Vae - Les pieds, enfin, seront nommés Tapu Vae. "

                 En un instant, toutes les parties du corps avaient reçu un nom. 

                - "Mais, dit l'oiseau, cela n'est pas suffisant, il faut donner la vie à cet homme, et lui donner une femme".






                Tangaloa comprit tout de suite l'indispensable nécessité de ce que l'oiseau lui demandait. Il prit l'homme et souffla dessus. L'homme s'anima. Le dieu lui dit :

                -" Descends avec Tuli et tu trouveras une femme qui sera ta compagne, et une île où tu trouveras réuni tout ce qu'il faut pour vivre ... Il ne te manquera qu'une seule chose : Le feu ... Tu ne l'auras que plus tard et, en attendant tu mangeras ta nourriture toute crue."

                 - L'homme, en descendant sur la terre y trouva la femme et il eut d'elle plusieurs enfants.

                    


ORIGINE DU TALO AUX SAMOA
               Le talo est une plante à tubercule, essentielle à la nourriture des Polynésiens. On le trouve dans toutes les îles du Pacifique, où il est plus communément appelé taro ... Les botanistes le classent sous le nom d'"arum esculentum".

               Le premier homme s'appelait Pipi, d'après une tradition ... Une autre tradition l'appelle Talanga. C'est son fils, nommé Tiitii qui introduisit le talo dans les îles, puis le feu pour le faire cuire.

                 Un beau jour, Tiitii, contrarié de ne pas manger de talo, décida de faire la guerre au grand dieu Tangaloa pour s'en procurer.

                  Décision prise, il se met en route avec sa famille ... Quel chemin prend-il pour parvenir jusqu'au ciel ? - On ne sait trop, mais il paraît qu'à cette époque, le chemin du ciel était très facile : C'était par l'horizon, appelé fafa, que l'on passait. Tiitii devait d'ailleurs bien connaître ce chemin, puisqu'il était déjà allé une fois demander le talo à Tangaloa, qui le lui avait refusé ... Pourquoi le lui avait-il refusé ? - On ne sait.

                   À peine arrivé, Tiitii engage le combat avec Tangaloa. Il parvient à chasser le dieu du champ de talo qu'il cultivait dans le ciel. Il fit presque aussitôt la paix avec lui et il promit de ne pas toucher au talo.

                    Mais Tiitii avait dérobé subrepticement un petit pied de talo. Il l'avait caché en le mettant dans son urètre. 

                    Aussitôt arrivé sur la terre, Tiitii planta son talo. Il en eut bientôt un grand nombre de pieds ... Qu'il partagea avec les membres de sa famille. 
                   ... Mais le feu manquait toujours sur la terre ... Ce n'était pas Tangaloa qui en était le détenteur : C'était un autre dieu, nommé Mafuié.
                               (D'après P.A.Lesson (Revue d'Anthropologie)




ORIGINE DU FEU AUX SAMOA



            Tiitii était à l'affût de tout ce qui pouvait le conduire à la découverte du feu. Il n'en dormait plus ... Il finit par remarquer que son père, Pipi, une hache à la main, sortait toutes les nuits et descendait sous terre. Il pensa d'abord que son père allait travailler,  mais la régularité de ce comportement l'intriguait. Il le surveilla d'avantage. Il finit par découvrir que son père se dirigeait toujours vers une grande pierre, près de laquelle il disparaissait. 

            Une nuit, il suivit son père et ... Quelle ne fut pas sa surprise ! - Il l'entendit dire à la pierre : -"Ouvre-toi !" ... La pierre s'ouvrit et, une fois que Pipi fut entré, elle se referma. Plus surpris encore que curieux, il attendit d'abord quelque temps pour voir si son père allait ressortir. Il ne le vit pas revenir. Il s'approcha de la pierre et lui dit : - "Ouvre-toi !" - La pierre s'ouvrit à ces mots comme elle s'était ouverte pour son père. Tiitii franchissant l'ouverture, descendit jusque dans les entrailles de la terre. Il trouva son père, occupé dans son champ de talo. 

              Tiitii grimpa dans un arbre qui étendait ses branches par dessus la tête de son père. Cet arbre produisait des fruits gros comme des petites pommes. Tiitii en cueillit une et la lança sur son père ... Celui-ci, pensant que le fruit lui était jeté par l'oiseau Tuia se contenta de dire, sans se déranger : 
      - "Cesse, Tuia, sinon je te jetterai des pierres."
Une deuxième pomme l'atteignit. Pipi tourna la tête et il aperçut son fils sur son arbre :
       - " Que fais-tu là, malheureux ? Tu n'as pas peur de Mafuié, qui demeure tout près et qui garde le feu ?"
        - "Non, certainement, je n'en ai pas peur, répondit le fils. Je suis même bien heureux d'apprendre ce que vous venez de me dire, car je ne suis venu que pour cela ... Comment ! Nous mangeons notre nourriture toute crue tandis que Mafuié mange la sienne cuite et nous ne pouvons pas avoir de feu !Oh ! Il m'en faut, et je vais tout de suite lui en demander ... 
           - "N'y va pas ! - Mafuié est le dieu le plus puissant qui existe. Ta vie aurait bientôt payé ton audace !"
            - " Écoute, j'ai pu vaincre Tangaloa et tous ses gens, dans le ciel ... Et je ne pourrais pas vaincre celui-ci, qui est tout seul ! C'est ce que nous allons voir !"

           Alors Tiitii descendit de son arbre et se dirigea vers la demeure de Mafuié. Le dieu l'aperçut :

            - " Que viens-tu faire ici, vermisseau ?"
            - " Je viens chercher du feu."
            - " Tu n'en auras pas ! ... Éloigne-toi vite !"
            - " Je ne m'éloignerai pas et si tu ne veux
                 pas m'en donner, j'en prendrai."
            - " Oh ! Avant d'en prendre, il te faudra te
                battre avec moi !"
            - " Je veux bien me battre."
            - " Comment veux-tu te battre ?"
            - " Comme vous voudrez ... ça m'est égal."
            
             On convint que les combattants essaieraient de luxer les membres de leur adversaire. 
              Tiitii s'empara de la jambe gauche du dieu et il la déboîta du premier coup ... Le combat reprit aussitôt. Tiitii , très vite, réussit à déboîter le bras droit de Mafuié. 

            Mafuié reconnut sa défaite et dit :
             - " Laisse-moi au moins la jambe droite et le bras gauche. Le bras me servira pour toucher la main et la jambe me servira pour marcher ... Et rappelle-toi que, quand tu seras sur la terre, tu ne serreras la main de quelqu'un qu'avec la main gauche. " .... C'est depuis cet instant que les Samoans ont cet usage ...

             Se trouvant bien vaincu, le dieu ajouta : 

              - " Tiens, voilà un tison. Retourne sur la terre, avec ce tison, tu pourras toucher les arbres et, excepté celui sur lequel tu étais grimpé tout à l'heure - que tu ne toucheras pas - tous les autres te donneront du feu en les frottant l'un contre l'autre. Va donc, tu as maintenant du feu pour cuire tes aliments ..."

            C'est depuis ce temps-là que les Samoans ont l'usage du feu.




jeudi 30 août 2007

CONTE DES ILES FIDJI

Il était une fois une princesse si belle, si belle, que même les fleurs, les oiseaux et les poissons lui rendaient hommage.
Elle demeurait dans un beau palais en bambous tressés, au bord d'une plage. Pour assouvir ses désirs, elle n'avait qu'à étendre le bras : Tous les fruits de la création pendaient à portée de sa main. Pour étancher sa soif, elle n'avait qu'à demander à son serviteur d'ouvrir une noix de coco.
Elle se baignait souvent, tantôt sous la cascade, tantôt dans le lagon. Elle portait une robe blanche de tapa, c'est à dire d'étoffe végétale. Elle allait pieds-nus, mais le plus souvent, son serviteur la portait sur ses épaules afin qu'elle ne se blesse pas.



La princesse s'appelait Rorandini. Son île s'appelait Viti-Levu et l' endroit où elle habitait s'appelait Suva. Cherchez bien sur la carte : Vous voyez le grand océan Pacifique ? Vous avez trouvé l'Australie ? Cherchez bien alentour : Vous allez trouver l'archipel des îles Fidji et vous ne tarderez pas à mettre le doigt sur l'île de Viti-Levu. C'est ici et voilà Suva où s'est bâtie la capitale de cette nation. Vous voyez, mon histoire est ancienne, mais le pays est bien réel : Il existe toujours.


Si vous promenez votre doigt aux environs, vous rencontrerez un autre archipel, nommé Tonga ... Pas très loin ... Enfin, pas très loin ... Il faut penser qu'au temps de mon histoire, les gens ne se déplaçaient qu'en pirogues : De grandes pirogues parfois, doubles pour plus de stabilité. Elles avançaient à la pagaie ou à la voile. Les voiles étaient de faites de feuilles de pandanus tressées. Connaissez vous le pandanus ?





La princesse Rorandini vivait donc à Suva. Tous les princes et les chefs des îles Fidji, tous sans exception, la trouvaient charmante. L'un après l'autre, chacun venait l'inviter à la danse, quand sonnaient les tambours. Mais Rorandini refusait de danser. Chacun, l'un après l'autre, était venu la demander en mariage, mais Rorandini refusait toujours de se marier.
Pourtant, ils étaient beaux, les guerriers fidjiens ! Musclés, le corps d'un beau noir brillant, les cheveux crêpus formant auréole, les yeux ardents, et courageux au combat ! Ils portaient des colliers d'os et de dents de cochons. Ils dansaient au son des tambours, en frappant le sol avec des bottes de roseaux qui bruissaient.
Ils ne craignaient que les dieux. Burotou était le royaume des dieux, qui s'en échappaient parfois ... Les Fidjiens craignaient surtout Levatu, la déesse qui planait souvent au-dessus des flots .


Personne ne comprenait la conduite de la princesse Rorandini.
On s'aperçut bientôt que, pourtant, elle ne refusait pas toujours de danser ... Elle dansait chaque fois qu'une fête était donnée en l'honneur des Tongans. Il en venait souvent, des Tongans : Leur archipel n'est tout juste qu'à quelques jours de pirogue. Leur venue était toujours l'occasion de grandes fêtes, tout comme à Tonga, lorsque des Fidjiens débarquaient.
Rorandini dansait, mais elle ne dansait qu'avec des Tongans, jamais avec des Fidjiens ! Quand on s'en aperçut, vous pensez si l'on fut jaloux ! _ Les Tongans n'avaient pas les cheveux crépus : Ils les portaient noirs, longs, lissés à l' huile parfumée et noués en chignon. Leur corps n'était pas sombre : Ils avaient la peau cuivrée. Ils portaient des colliers de fleurs et des bijoux de nacre. Leurs yeux étaient aussi ardents que ceux de Fidjiens et leurs danses étaient endiablées. Ils chantaient admirablement. Ils ne rêvaient rien autant que de gagner Burotou, à la fin de leur vie, pour y rejoindre les dieux et partager avec eux des délices éternels.





Mais pourquoi donc Rorandini donnait-elle la préférence aux Tongans ? Nul ne pouvait répondre à la question.


Un jour, plusieurs chefs tongans arrivèrent spécialement pour saluer la princesse. Pour se préparer à la danse de la soirée, elle désira avoir des fleurs odorantes afin de s'en tresser des couronnes, mais elle voulait les fleurs les plus belles, celles qui seraient les plus suaves. Elle pensa, ( C'était une folie sans doute ! ), elle pensa envoyer un messager demander à Ndandarakaï, grand esprit qui demeurait à Lamy, près de Suva, des fleurs cueillies dans les bocages odorants de Burotou ... Rien de moins ! _ Des fleurs qui auraient été cueillies dans le royaume des dieux, lequel se trouvait caché sous la mer, à l'ouest des îles Fidji !


Ndandarakaï avait rencontré des guerriers fidjiens. Il était au courant de l' étrange conduite de la princesse. Il renvoya le messager :

_ " Va dire à Rorandini que je n'aime pas qu'elle danse avec les Tongans. Ce sont des étrangers : Les couronnes de fleurs odorantes de Burotu ne sont pas pour eux. "

Mais Rorandini se savait belle. Elle savait que personne ne résistait à ses désirs. Elle se rendit elle-même à Lami et elle supplia l' Esprit de lui accorder les couronnes qu' elle demandait.

_ " Grand Ndandarakaï, lui dit-elle, donne-moi, pour la danse de cette nuit seulement, des fleurs odorantes des bocages de Burotou. Si tu veux bien me les donner, je te promets que ce sera la dernière fois que je danserai avec les Tongans. Donne-moi, pour cette nuit seulement, les fleurs odorantes et je t'appartiendrai, à toi seul ... "










_ " Alors va danser, Rorandini, et sois heureuse avec les Tongans. Mais ce sera la dernière fois car, demain, je viendrai te chercher. Tu m'appartiendras, et tu n'appartiendras qu'à moi seul. Tu viendras ici, à Lami, pour y vivre avec moi. "

_ " Mais où sont les couronnes de fleurs odorantes?" supplia la belle princesse ...

_ " Va danser ... Il faut que les Tongans te voient telle que tu es. Pendant que tu danseras, les couronnes de fleurs odorantes des bocages de Burotou tomberont sur ta tête et couvriront le sol à tes pieds. Les Tongans verront comme tu es belle, et ils sauront alors que tu n'appartiens qu'à moi, à moi seul. "



Rorandini retourna à Suva. Au coucher de soleil, les Tongans commencèrent à faire la fête. La lune se leva, la danse commença ... Aucune fleur, aucune couronne ne tomba sur la tête de Rorandini. Elle était furieuse : Elle pensait que Ndandarakaï s'était moqué d'elle. Néanmoins, les Tongans étaient en admiration devant les charmes de sa jeune beauté.

Tout à coup, venues d'en haut, couronnes sur couronnes, toutes composées des fleurs les plus choisies et les plus suaves des bosquets de Burotou, descendirent sur sa tête et tombèrent sur le sol à ses pieds. Elle regarda en l'air et sourit ... Les Tongans la trouvèrent plus belle encore. Aussitôt, elle arrêta la danse. Elle demanda aux Tongans de préparer leurs pirogues et de l'emmener immédiatement à Tonga. Fiers de ce choix, ils ne perdirent pas de temps : La flotte des Tongans s'éloigna. A la pointe du jour, ils avaient atteint une île appelée Lakemba.







Au lever du soleil, Ndandaraka, le Grand Esprit, se rappela les paroles de la jeune princesse :

_ " Ce sera la dernière fois que je danserai avec les Tongans, puis je serai à toi. "

Il se rendit à Suva pour voir sa nouvelle épouse : Elle était partie ! Par l'intermédiaire de la racine d'un arbre sacré, ils appela un millier de génies-charpentiers, qui demeurent sous la terre :

_ " Construisez moi un canot : La coque en bois de litchi, le pont dans un autre bois, le mât dans un autre encore et les vergues dans un quatrième bois, différent. Tout ce que je vous demande, c'est de ne choisir que des bois provenant d'arbres fruitiers : Il y en a bien assez aux environs ! Je vais boire la boisson sacrée ; il faudra que le canot soit lancé, la voile hissée, lorsque j'aurai fini de boire ... "

Au moment même où les Tongans quittaient l'île que l'on nomme Lakamba avec la belle Rorandini, Ndandarakaï partait de Suva dans son canot neuf. Il dit à son timonier :

_ " Avec le vent tel qu'il est orienté aujourd'hui, le voyage doit se faire par Lakamba : Gouvernez vers Lakamba."


Le second jour, alors que le soleil se levait, Ndandarakaï atteignit la flotte des Tongans, qui s'éloignait de Lakemba. Regardant vers les cieux, il vit la déesse Levatu, qui était la mère de sa mère. Elle planait au-dessus de son canot.

_ " Dis-moi; Levatu, comment dois-je faire pour délivrer la belle Rorandini qui se trouve dans le canot de ces Tongans fanfarons ? "








En entendant la prière de Ndandarakaï, tous les Tongans tremblèrent de peur au seul nom de l'impitoyable Levatu. Ils se mirent à trembler et ils s'empressèrent de pagayer plus vite. Rorondini elle-même, se cacha sous les fines nattes que ses amis avaient gagnés à la danse.

Tout à coup ... Ce fut extraordinaire : Le canot de Ndandarakaï se couvrit de fruits mûrs. La coque, le pont, le mât, les vergues portaient chacun les fruits de l'arbre qui avait servi à le construire.

Levatu, d'en haut, secoua le canot , et les fruits tombèrent parmi les Tongans. Oubliant leur peur et oubliant même la princesse, ils se bataillèrent pour s'emparer de ces excellents fruits. La bataille était si confuse qu' il était impossible de distinguer quoi que ce soit.

Ndandarakaï, aidé par Levatu, enleva lestement sa nouvelle épouse du canot des Tongans. Elle était toute tremblante. Il la déposa dans son propre canot. Il fit aussitôt route vers Suva, laissant les Tongans se lamenter pour la perte de la princesse Rorondini.

LES JARDINS DES ILES

Quelque bédouin, arpentant les grèves à l'amble de son chameau du côté de Mascate ... Quelque marin traînant sur le sable sa chaloupe ou son prao ... Cela arrivait parfois : _ On découvrait dans l'écume de la vague un fruit bien curieux dont la rareté et l'aspect faisaient tout le prix, lequel était considérable...
C'était un fruit beaucoup plus gros qu'une noix de coco ... C'était le fruit le plus gros et le plus lourd qu'aucun arbre ait jamais porté. Une noix double, venue on ne savait d'où, on ne savait comment : Ce fruit ne pouvait pas flotter _ Il pesait plus de cinq kilogrammes et sa densité était supérieure à celle de l'eau. A bien le regarder, le tournant et le retournant, on ne pouvait que s'étonner : Quel génie, quel dieu peut-être, pouvait bien l' avoir cueilli, et en quel jardin ?
_ Aucune hésitation n'était possible : L'arbre qui le portait ne pouvait pousser que dans le jardin d'un génie ou dans celui du dieu de l'amour : Les rondeurs de cette noix double évoquaient sans conteste celles d'un fessier féminin : Rondeurs et orifices là où il le fallait ... Fente suggestive et même triangle velu bien placé. De quoi faire rêver le marin ou le bédouin : _ Images de houris au bord de l'Océan Indien !
Ce fruit était très recherché par les princes et les rois, les émirs et les sultans. Sa coque sculptée, gravée, niellée d'or, d'argent et de nacre devenait aiguière ou bien coupe précieuses. _ "Coco-de-mer" ...




Qui découvrirait l'arbre qui le portait ?_ Cet arbre poussait-il sur terre, ou bien au fond des océans ? _ De ses formes on déduisait les propriétés supposées : _ La chair de ce fruit ne pouvait qu'être aphrodisiaque ... Et l'on disait qu'effectivement ... Elle réussissait très bien ... même à l'émir Abdul-Hamid, lequel avait plus de cent trente ans et trente six femmes ... Ceci expliquant cela, celui qui le ramassait avait fortune faite !
Et puis un jour, un grand voilier découvrit une île de granit rose, dans l'archipel qui se nomme maintenant les Seychelles. Cette île est celle qui reçut depuis le nom de Praslin, en l'honneur du Duc de Praslin, dit-on,( oui, celui qui inventa les prâlines ) ... A moins que ce ne fût en l'honneur de son cousin ?
... Dans le fond d'une vallée ... que l'on a ... Dieu sait pourquoi ... baptisée la Vallée de Mai, poussaient des palmiers immenses, aux larges feuilles en éventail : Ces palmiers portaient les"cocos-de-mer" ! Il y en avait toute une forêt, ( Elle existe encore ... ) _ Moiteur ... Chaleur ... On s'aperçut alors que, si les formes du fruit sont suggestives, celles de l'inflorescence mâle ne le sont pas moins : Il s'agit d'un énorme pénis brun ... long de deux coudées ... turgescent, tendu. Le moment venu, cette inflorescence s'incline en direction d'une autre inflorescence, femelle celle-là : En un subit orgasme, les mille petites étoiles jaunes qui le recouvrent éclatent toutes en même temps et libèrent les pollens qu'emporte la brise.

Mais on dit aussi ... On dit ... Que ne dit-on pas ? _ On dit que lorsque la mer se gonfle, lorsque les alisés sont doux et chauds ... Les palmiers gagnent la plage et, par couples, descendent jusqu'au fond de l'océan...C'est là qu'ils célèbrent leurs noces ... Au petit matin, chacun a regagné sa place par-delà les cascades .
... Qui l'a dit ? ... Qui l'a vu ?

... Attendre la maturation des fruits : "Cocos-de-mer", ou de façon plus triviale mais plus courante : "Cocos-fesses" ... Et cela dit bien ce que celà veut dire ...
Dans la Vallée-de-Mai coule un clair ruisseau, sur un lit de cristal. Parfois, une palme chavire et tombe : C'est ainsi depuis la nuit des temps _ Un tapis de palmes recouvre le sol. Parfois passe une perruche noire, d'un seul trait ... Qui l'a vue ? ... Qui l'a vue ?
_ C'est ici que se trouvait le jardin d'Eden, n'est-ce pas ? Ici ont vécu Eve et Adam, n'est-il pas vrai? _ Un général anglais, l'imagina le premier... Et si l'on vous dit qu' il s'agissait d'un général anglais ... Comment ne pas le croire ?
... C'est une belle histoire. On me l'a contée au bord d'une plage ... à Tahiti pour la première fois ... Nous nous étions assis sur le sable noir, en lisière du jardin botanique, à Opunohu ... Même chaleur ... Mêmes odeurs séminales d'humus et de vie, telles qu'à l'aisselle de la fille pubère ou au ventre de la femme mûre ...



Le soleil se couchait sur Mooréa, l'île voisine, déployant des éventails,des voiles et des draperies d'argent et d'or ... de pourpre aussi. On entendait rouler la vague au récif ... Le lagon brillait comme un grand plat d'étain ... Un grand poisson faisait des ricochets ...
_ " Je ne sais pas si l'acclimatation des "cocos-de-mer" a été essayée ici ... Elle n'a réussi nulle part : Le" coco-de-mer ne vit que dans la "vallée-de Mai".
_" Certains pensent que cette acclimatation aurait été réussie à Tahiti ... Si Harrison Smith l'avait tentée ...
_ " Harrison Smith ! Un Britannique, je crois ... Un grand diable qui vivait là, à demi-nu ... Ou parfois complètement nu... Il s'était épris de Tahiti ... _ Tu vois sa maison, là-bas ... Elle avait alors un toit de palmes au lieu de tôles ... Il dort son dernier sommeil tout en haut de la colline .. Là où il l'avait souhaité ... au-milieu des bambous qu'il avait plantés. _ " C'est lui qui créa le jardin botanique.
_ Combien d'hectares ? _ Je ne le sais pas exactement : Le jardin était beaucoup plus grand qu'aujourd'hui."

Tulipiers aux fleurs rouges dressées en quenouilles, figuiers-banians aux racines descendant du haut des branches ... Ici un cannelier, là un girofflier, un poivrier, un quenettier, le carambolier aux fruits acides, le corossol, les manguiers ... La forêt des "mapé", là-bas ... Leurs troncs surgissent du marécage, soutenus paar des contreforts, comme les murs des cathédrales ... Lotus des étangs, nénuphars rouges ou violets...



Voici le rotin, la liane-de-jade, le sagoutier et le palmier-à huile. Voici les arbres- à-pain aux larges feuilles découpées, en leurs multiples variétés. ... Tous les hibiscus, les cierges des "opuhi", les fleurs des balisiers, aux couleurs de perroquets, les oiseaux-de-paradis par pleins massifs, et les cascades des bougainvillées ... Que dire encore ? _ La nacre des chairs, l''humidité des muqueuses tièdes ... Ah ! La rose-porcelaine !
Dans leur parc, tout près, deux tortues des Galapagos tentent de s'accoupler : Leur souffle se fait rauque, puis il devient presque un mugissement ... Le mâle a eu les yeux crevés par un imbécile. Ces deux tortues sont plus que centenaires ...
_ " Harrison Smith ? C'était un silène, un satyre, un diable, un dieu ... Comme tu voudras ...
On dit ... On dit ...
Tiens, ce soir, as-tu vu la vieille petite dame qui marchait à pas lents au bord de la mer ? _ Elle portait une robe rose-bonbon et une capeline blanche ... On dit que chaque année, elle revient ici, au jour de la Saint-Valentin... Elle tenait à la main une fleur de lotus : soie froissée ... Je sais pourquoi elle vient ici tous les ans : ... Un soir, à la même heure que maintenant, ou à peu près ... A l'heure des odeurs suaves ... Elle a rencontré Harrison Smith sur la plage ... C'était il y a bien longtemps : Elle avait seize ans ! ... Nu, Harrison sortait du bain ... Arriva ce qui devait arriver ... Il cueillit sa fleur ... Là, sur le sable ... C'est cela que la vieille dame n'a jamais oublié ! ... Sans doute ce sacré Harrison faisait-il des miracles ! Chaque année, la vieille dame commémore la Saint-Valentin ... Mais croyez-moi, il y en eut d' autres, nombreuses...
Si elles venaient en pélerinages toutes ensemble au jardin botanique, cela ferait une belle procession ! " .

CONTE DES ILES MARQUISES

Mauike, déesse du feu, des tremblements de terre et des volcans habite l'Havaïki, c'est à dire le pays des ancêtres, là-bas vers le couchant.

_ "Qui l'a dit ?"

_ " Tout le monde ici te l'apprendra. "

Mauike avait une fille, une fille unique, son nom importe peu. Elle n'est pas l'héroïne de notre histoire. Mais cette fille était mariée sur la terre, et elle avait un fils, lequel s'appelait Maui.
Maui vivait avec sa mère et son père en un point de l'île dont l'endroit a été oublié. Il n'était encore que poïti (jeune garçon), mais il était las, déjà, de manger ses aliments crus.

_ " Eh ! Pourquoi ne les faisait-il pas cuire ? "

_ " Il ne disposait pas du feu, qui était alors inconnu des hommes..."

_ " A qui fera-t-on croire que Maui ne connaissait pas le feu, alors que sa grand-mère n'était autre que la déesse des volcans ?"


_ " C'est très compliqué : Il savait que le feu existait. Il avait même vu ses parents manger des aliments cuits ..."

_ " Vous voyez bien ! "

_ " Oui, mais lui, il n'avait jamais droit qu'à des aliments crus et il ne savait pas où trouver du feu. Pourtant, ses parents sortaient souvent, pendant la nuit. Ces sorties l'intriguaient beaucoup : Il était convaincu qu'ils allaient chercher du feu. "

Un soir, sa mère lui dit :

_ " Reste ici, Poïti ; je vais revenir bientôt."

_ " Je veux aller avec toi !"

_ " Tu ne le peux pas. Je ne peux pas t'emmener."

La mère partie, l'enfant la suivit de loin.
Près d'entrer dans le chemin qui conduit à l'Havaïki, le mère fut arrêtée par un oiseau, perché sur un "kaku". Elle appela son mari et ils jetèrent des pierres à l'oiseau. Ils lui en jetèrent beaucoup, mais sans l'atteindre. Soudain, à la place de l'oiseau, ils reconnurent leur fils Maui, sous forme humaine et sans plumes.


      Maui pénétra dans l'ouverture qui conduisait à l'Havaïki. Il arriva près de sa grand-mère, Mauike. Il ne l'avait jamais vue mais il sut tout de suite que c'était bien elle : Son corps était rempli de feu.

_ " Rempli de feu ? "

_ " Oui. Mais Mauike avait le feu dans les doigts et dans les orteils, surtout. "


À l'arrivée de Maui, sa grand-mère lui demanda quel était le but de sa visite.

_ " Je suis venu pour avoir du feu."

_" Tu veux du feu ? "

Elle lui donna un de ses doigts : le koiti, c'est à dire le petit doigt. Maui s'en alla et marcha tout droit jusqu'à la mer, où il l'éteignit.
Quand cela fut fait, il retourna chez sa grand-mère et lui dit que son feu s'était éteint.

_ " Comment s'est-il éteint ?"

_ " Il est tombé dans l'eau."


       Mauike se coupa un autre doigt, le manawa, c'est à dire l'annulaire. Maui s'en alla. Il le trempa dans la mer pour l'éteindre également, puis il mouilla sa main pour que Mauike crut à la vérité de ses paroles. De nouveau, il se présenta devant elle et lui demanda un peu de feu.

_ " Mais pourquoi donc Maui ne s'est-il pas contenté du feu qui lui avait été donné la première fois ? C'était bien pour faire cuire ses repas, qu'il voulait du feu ?"

_ " Oui, bien sûr, mais maintenant, il lui venait à l'idée que, s'il devenait seul possesseur du feu, il deviendrait très puissant, aussi puissant qu'un dieu !"

_ " Alors il va continuer à dépouiller sa grand- mère?"

_ "Il va continuer. Il réclame le mapere, c'est à dire le majeur, puis le koroa, autrement dit l'index et enfin le rongo-matua, c'est à dire le pouce ..."

_ " Et la vieille Mauike se laisse faire ? "

_ " Elle se laisse faire ... Allez donc savoir pourquoi ! C'est ainsi ! "

_ "Dis-donc, elle est bizarre, ton histoire. Moi, à la place de la grand-mère, je ne me serais certainement pas laissé faire !"


_ " Eh bien c'est ainsi pourtant. Aux Marquises, tous les anciens te le diront. Ayant fini avec les doigts, Maui demanda les orteils ... Et ils les obtint tous, excepté le gros orteil !"

_ " Lequel ? Je suppose qu'elle en avait un au pied gauche et un au pied droit, comme tout le monde ?"

_ " Comme tout le monde. Mais l'histoire raconte bien qu'il lui restait un pouce ; elle ne dit pas lequel. Qu'importe ! Maui dit à sa grand-mère : Donne-moi le gros orteil ! "

_ " Non, Maui, je ne te le donnerai pas car je vois bien que tu as formulé quelque mauvais projet à mon égard. Tu m'as déjà pris tous mes doigts et il ne reste plus qu'un seul orteil !"




Alors Maui arracha lui-même le gros orteil de sa grand-mère ... Le dernier qui lui restait. Il brandit le feu et l'agita : Il en brûla la terre et les arbres. Maui lui-même fut presque tout brûlé. S'il s'enfuyait dans une direction, le feu l'y poursuivait. S'il s'enfuyait dans une autre direction, les flammes le suivaient encore.


       Ne trouvant aucun refuge sur la terre, Maui s'éleva dans les airs. Il appela la pluie. La pluie se mit à tomber ... Mais il demeurait entouré de flammes. Il demanda une plus forte pluie ... Cela ne suffisait pas ... Il dut demander à la pluie de tomber à torrents. Elle arriva, et elle éteignit les flammes en se répandant sur la terre.

      Quand les eaux provoquées par ce déluge eurent atteint le tikitiki , c'est à dire le noeud qui réunissait les cheveux de Maui au sommet de sa tête, les semences du feu s'enfuirent vers tous les arbres environnants : Le rata, le kaikatea, l'hinau, le rimu, le matai, et le miro. Mais ces arbres ne voulurent pas les recevoir. Elles se sauvèrent alors vers le patete, le kaikomako, le mahohe, le totara, et le puketea , qui les reçurent. Ces derniers arbres sont encore ceux qui fournissent le bois dont on peut obtenir le feu par frixion.

LE URU OU ARBRE A PAIN

_ " Vas-tu encore nous raconter une histoire très compliquée, dans laquelle vont intervenir des monstres et des géants ? "

_ " Mais non, mais non ... C'est une très belle histoire. Et puis ... Ne penses-tu pas que, dans toutes les histoires venues des îles lointaines, il y a beaucoup d'aventures et beaucoup de personnages qui ressemblent à ceux de nos contes européens ? Tu sais, finalement, les hommes sont partout les mêmes et leurs histoires sont assez semblables ...



-"Taaroa est le dieu créateur. Oro est son fils , le dieu du soleil et de la guerre ... Il est le premier des dieux après son père.
Un jour, Oro décida qu'il voulait se choisir une compagne sur la terre, parmi les mortelles. Il descendit du premier étage des cieux jusque sur le Païa, montagne élevée de Bora Bora. Il appela les déesses Teouri et Oaaoa, ses soeurs. à qui il confia son projet :

_ " Voulez-vous m'accompagner et m'aider dans ma recherche pour trouver une compagne qui soit digne de nous ?"


          Comme elles avaient accepté de l'aider, ils descendirent tous les trois du sommet de la montagne : Ils s'étaient enveloppés de brouillard pour qu'on ne les voie pas et Oro avait convoqué l'arc-en-ciel, dont une extrémité reposait au sommet du mont Païa et l'autre sur la terre. C'est en suivant le chemin de l'arc-en-ciel, qu'ils descendirent tous les trois ...

_ " Oh ! Quelle belle image !"

_ Tu vois, cette image appartient aussi au trésor des contes européens ... "


Ils prirent tous les trois, pour se dissimuler, une apparence humaine : Oro ressemblait tout à fait à un jeune guerrier, ses deux soeurs auraient pu être prises pour des jeunes filles du pays ...



           Ils parcoururent les différentes îles, donnant partout des fêtes, surtout des fêtes de l'espèce qu'on appelle operea, qui rassemblent toutes les femmes. Tout le monde y vint, et les tambours battirent, et les toere rythmèrent les danses. Les flûtes étaient aussi de la partie.

_ " Toutes ces fêtes n'avaient pour but, bien sûr, que de rassembler les femmes pour que Oro puisse faire son choix ! "

_ " Bien sûr !"

         Mais, parmi les filles de Taata, ( Les filles de l'homme) le dieu n'en voyait aucune qui lui plût.
Comme le temps passait , le dieu Oro et ses deux soeurs commençaient à se lasser de leurs recherches.

_ " Dis-donc, Oro ... Nous voulons bien t'aider, mais cela commence à durer un peu trop. Ne crois-tu pas que tu trouverais plus facilement la compagne qui te plairait si tu cherchais dans le ciel? _ Les déesses y sont nombreuses et il n'en manque pas de très belles ... Pourquoi t'obstiner à chercher une mortelle alors que les déesses, elles, jouissent de la vie éternelle ?"

_ " Je veux encore chercher à Bora Bora. Allons à Vaïtape ... "


toere : petit instrument à percussion en bois.

        Ils partirent au village de Vaïtape, dans l'île de Bora Bora. Là, ils rencontrèrent une jeune fille, qui se baignait dans un petit lac, nommé Ovai aïa . Cette jeune fille était d'une rare beauté. Oro, charmé, dit à ses soeurs d'aller la voir, pendant qu'il remontait au sommet du mont Païa.

_ " Tu es allé à Vaïtape ? "

_ " Oui, j'y suis allé. Je connais bien ce village au bord du lagon, juste en face de la passe par laquelle les grand bateaux peuvent franchir le récif. C'est maintenant un très joli petit village, avec des barques et des pirogues. Il y a une église avec un clocher pointu. Il y a une école et même une pharmacie ... "

               Approchant, les deux déesses saluèrent la jeune fille. Elles louèrent sa beauté et elles lui dirent qu'elles venaient d'Anau, district de Bora Bora et qu'elles avaient un frère qui désirait s'unir à elle. Vaïraumati ( c'était le nom de la jeune fille ...) , examinant avec attention les étrangères, leur dit :

_ " Vous n'êtes point d'Anau, mais n'importe ... Si votre frère est arii (noble), s'il est jeune et s'il est beau ... Votre frère peut venir : Vaïraumati sera sa femme. "

              Teouri et Oaaoa remontèrent aussitôt au sommet du mont Païa pour faire connaître le résultat de leur leurs démarches à leur frère. Celui- ci appela de nouveau l'arc-en-ciel et redescendit vers Vaitape.
            Vaïraumati l'attendait. Elle le reçut de façon parfaite : Elle avait dressé une table chargée de fruits et elle avait répandu sur le sol les nattes les plus fines et les étoffes les plus riches. Ils se marièrent et il y eut une grande fête avec toutes les danses imaginables.



                Oro, charmé de sa nouvelle épouse, retournait chaque matin au sommet du mont Païa et redescendait chaque soir, par l'arc-en-ciel, jusque chez Vaïraumati.
Il resta ainsi longtemps absent du ciel. Ses frères, Orotetefa et Ouretefa s'inquiétaient. Ils appelèrent l'arc-en-ciel, à leur tour, et ils descendirent sur la terre. Ils cherchèrent sur toutes les îles.

           Ils le découvrirent enfin, avec son épouse, dans l'île de Bora Bora : Ils étaient assis à l'ombre d'un arbre sacré.
Ils furent tous les deux frappés par la beauté de la jeune femme. Ils n'osaient approcher d'elle et de leur frère sans leur offrir quelque présent. A cet effet, l'un d'eux se changea en truie, l'autre en plumes rouges. Ils redevinrent aussitôt eux-mêmes, mais la truie et les plumes rouges restaient. Ils approchèrent des nouveaux mariés et leur offrirent ces présents.

                      Il arriva que Vaïraumati se trouva enceinte ... La nuit suivante, la truie mit bas sept petits ... Oro prit l'un d'entre eux, se rendit jusqu'à Raïatea, l'île voisine, l'île sacrée. Il offrit le petit cochon à un homme dénommé Mahi, qu'il trouva au grand marae, ou temple de Opoa. On dit que Mahi devint , sur le marae de Opoa, qui est le lieu le plus sacré de la Polynésie, le premier prêtre de Oro et le gardien du temple ....


               On dit aussi que Oro, retournant auprès de Vaïraumati lui annonça qu'elle accoucherait d'un fils. Il lui demanda de le nommer Hoa tabou te Raï ( L'ami sacré des cieux ).

Il ajouta :

_ " En ce qui me concerne, les temps sont venus. Vois, mes frères sont déjà venus me chercher. Je dois te quitter. "

                Se changeant alors en une immense colonne de feu, il s'éleva majestueusement dans les airs au-dessus du Piririre, la plus haute montagne de Bora Bora. Son épouse éplorée et le peuple saisi d'étonnement le perdirent alors de vue.
On dit enfin que son fils, Hoa tabou te Rai fut un grand chef, qui fit beaucoup de bien aux hommes. Il les délivra de nombreux maux. A sa mort, il rejoignit son père au céleste séjour...

_ " Et Vaïraumati ? "

_ " Oro la fit également monter au ciel où elle prit rang parmi les déesses ... Certains disent même qu'elle est devenue Hina, la déesse de la lune, qui se mire dans les eaux du lagon lorsqu'elles sont calmes et lisses ... "

CONTE DES ILES-SOUS-LE-VENT

_ " Vas-tu encore nous raconter une histoire très compliquée, dans laquelle vont intervenir des monstres et des géants ? "

_ " Mais non, mais non ... C'est une très belle histoire. Et puis ... Ne penses-tu pas que, dans toutes les histoires venues des îles lointaines, il y a beaucoup d'aventures et beaucoup de personnages qui ressemblent à ceux de nos contes européens ? Tu sais, finalement, les hommes sont partout les mêmes et leurs histoires sont assez semblables ...



-"Taaroa est le dieu créateur. Oro est son fils , le dieu du soleil et de la guerre ... Il est le premier des dieux après son père.
Un jour, Oro décida qu'il voulait se choisir une compagne sur la terre, parmi les mortelles. Il descendit du premier étage des cieux jusque sur le Païa, montagne élevée de Bora Bora. Il appela les déesses Teouri et Oaaoa, ses soeurs. à qui il confia son projet :

_ " Voulez-vous m'accompagner et m'aider dans ma recherche pour trouver une compagne qui soit digne de nous ?"


           Comme elles avaient accepté de l'aider, ils descendirent tous les trois du sommet de la montagne : Ils s'étaient enveloppés de brouillard pour qu'on ne les voie pas et Oro avait convoqué l'arc-en-ciel, dont une extrémité reposait au sommet du mont Païa et l'autre sur la terre. C'est en suivant le chemin de l'arc-en-ciel, qu'ils descendirent tous les trois ...

_ " Oh ! Quelle belle image !"

_ Tu vois, cette image appartient aussi au trésor des contes européens ... "


               Ils prirent tous les trois, pour se dissimuler, une apparence humaine : Oro ressemblait tout à fait à un jeune guerrier, ses deux soeurs auraient pu être prises pour des jeunes filles du pays ...


                Ils parcoururent les différentes îles, donnant partout des fêtes, surtout des fêtes de l'espèce qu'on appelle operea, qui rassemblent toutes les femmes. Tout le monde y vint, et les tambours battirent, et les toere rythmèrent les danses. Les flûtes étaient aussi de la partie.

_ " Toutes ces fêtes n'avaient pour but, bien sûr, que de rassembler les femmes pour que Oro puisse faire son choix ! "

_ " Bien sûr !"

Mais, parmi les filles de Taata, ( Les filles de l'homme) le dieu n'en voyait aucune qui lui plût.
Comme le temps passait , le dieu Oro et ses deux soeurs commençaient à se lasser de leurs recherches.

_ " Dis-donc, Oro ... Nous voulons bien t'aider, mais cela commence à durer un peu trop. Ne crois-tu pas que tu trouverais plus facilement la compagne qui te plairait si tu cherchais dans le ciel ? _ Les déesses y sont nombreuses et il n'en manque pas de très belles ... Pourquoi t'obstiner à chercher une mortelle alors que les déesses, elles, jouissent de la vie éternelle ?"

_ " Je veux encore chercher à Bora Bora. Allons à Vaïtape ... "


*(toere : petit instrument à percussion en bois.)





         Ils partirent au village de Vaïtape, dans l'île de Bora Bora. Là, ils rencontrèrent une jeune fille, qui se baignait dans un petit lac, nommé Ovai aïa . Cette jeune fille était d'une rare beauté. Oro, charmé, dit à ses soeurs d'aller la voir, pendant qu'il remontait au sommet du mont Païa.

_ " Tu es allé à Vaïtape ? "

_ " Oui, j'y suis allé. Je connais bien ce village au bord du lagon, juste en face de la passe par laquelle les grand bateaux peuvent franchir le récif. C'est maintenant un très joli petit village, avec des barques et des pirogues. Il y a une église avec un clocher pointu. Il y a une école et même une pharmacie ... "

                Approchant, les deux déesses saluèrent la jeune fille. Elles louèrent sa beauté et elles lui dirent qu'elles venaient d'Anau, district de Bora Bora et qu'elles avaient un frère qui désirait s'unir à elle. Vaïraumati ( c'était le nom de la jeune fille ...) , examinant avec attention les étrangères, leur dit :

_ " Vous n'êtes point d'Anau, mais n'importe ... Si votre frère est arii (noble), s'il est jeune et s'il est beau ... Votre frère peut venir : Vaïraumati sera sa femme. "


           Teouri et Oaaoa remontèrent aussitôt au sommet du mont Païa pour faire connaître le résultat de leur leurs démarches à leur frère. Celui- ci appela de nouveau l'arc-en-ciel et redescendit vers Vaitape.
Vaïraumati l'attendait. Elle le reçut de façon parfaite : Elle avait dressé une table chargée de fruits et elle avait répandu sur le sol les nattes les plus fines et les étoffes les plus riches. Ils se marièrent et il y eut une grande fête avec toutes les danses imaginables.



                    Oro, charmé de sa nouvelle épouse, retournait chaque matin au sommet du mont Païa et redescendait chaque soir, par l'arc-en-ciel, jusque chez Vaïraumati.
Il resta ainsi longtemps absent du ciel. Ses frères, Orotetefa et Ouretefa s'inquiétaient. Ils appelèrent l'arc-en-ciel, à leur tour, et ils descendirent sur la terre. Ils cherchèrent sur toutes les îles.

              Ils le découvrirent enfin, avec son épouse, dans l'île de Bora Bora : Ils étaient assis à l'ombre d'un arbre sacré.
Ils furent tous les deux frappés par la beauté de la jeune femme. Ils n'osaient approcher d'elle et de leur frère sans leur offrir quelque présent. A cet effet, l'un d'eux se changea en truie, l'autre en plumes rouges. Ils redevinrent aussitôt eux-mêmes, mais la truie et les plumes rouges restaient. Ils approchèrent des nouveaux mariés et leur offrirent ces présents.

                  Il arriva que Vaïraumati se trouva enceinte ... La nuit suivante, la truie mit bas sept petits ... Oro prit l'un d'entre eux, se rendit jusqu'à Raïatea, l'île voisine, l'île sacrée. Il offrit le petit cochon à un homme dénommé Mahi, qu'il trouva au grand marae, ou temple de Opoa. On dit que Mahi devint , sur le marae de Opoa, qui est le lieu le plus sacré de la Polynésie, le premier prêtre de Oro et le gardien du temple ....


                  On dit aussi que Oro, retournant auprès de Vaïraumati lui annonça qu'elle accoucherait d'un fils. Il lui demanda de le nommer Hoa tabou te Raï ( L'ami sacré des cieux ).


Il ajouta :

_ " En ce qui me concerne, les temps sont venus. Vois, mes frères sont déjà venus me chercher. Je dois te quitter. "

          Se changeant alors en une immense colonne de feu, il s'éleva majestueusement dans les airs au-dessus du Piririre, la plus haute montagne de Bora Bora. Son épouse éplorée et le peuple saisi d'étonnement le perdirent alors de vue.
On dit enfin que son fils, Hoa tabou te Rai fut un grand chef, qui fit beaucoup de bien aux hommes. Il les délivra de nombreux maux. A sa mort, il rejoignit son père au céleste séjour...

_ " Et Vaïraumati ? "

_ " Oro la fit également monter au ciel où elle prit rang parmi les déesses ... Certains disent même qu'elle est devenue Hina, la déesse de la lune, qui se mire dans les eaux du lagon lorsqu'elles sont calmes et lisses ... "