jeudi 30 août 2007

CONTE DES ILES FIDJI

Il était une fois une princesse si belle, si belle, que même les fleurs, les oiseaux et les poissons lui rendaient hommage.
Elle demeurait dans un beau palais en bambous tressés, au bord d'une plage. Pour assouvir ses désirs, elle n'avait qu'à étendre le bras : Tous les fruits de la création pendaient à portée de sa main. Pour étancher sa soif, elle n'avait qu'à demander à son serviteur d'ouvrir une noix de coco.
Elle se baignait souvent, tantôt sous la cascade, tantôt dans le lagon. Elle portait une robe blanche de tapa, c'est à dire d'étoffe végétale. Elle allait pieds-nus, mais le plus souvent, son serviteur la portait sur ses épaules afin qu'elle ne se blesse pas.



La princesse s'appelait Rorandini. Son île s'appelait Viti-Levu et l' endroit où elle habitait s'appelait Suva. Cherchez bien sur la carte : Vous voyez le grand océan Pacifique ? Vous avez trouvé l'Australie ? Cherchez bien alentour : Vous allez trouver l'archipel des îles Fidji et vous ne tarderez pas à mettre le doigt sur l'île de Viti-Levu. C'est ici et voilà Suva où s'est bâtie la capitale de cette nation. Vous voyez, mon histoire est ancienne, mais le pays est bien réel : Il existe toujours.


Si vous promenez votre doigt aux environs, vous rencontrerez un autre archipel, nommé Tonga ... Pas très loin ... Enfin, pas très loin ... Il faut penser qu'au temps de mon histoire, les gens ne se déplaçaient qu'en pirogues : De grandes pirogues parfois, doubles pour plus de stabilité. Elles avançaient à la pagaie ou à la voile. Les voiles étaient de faites de feuilles de pandanus tressées. Connaissez vous le pandanus ?





La princesse Rorandini vivait donc à Suva. Tous les princes et les chefs des îles Fidji, tous sans exception, la trouvaient charmante. L'un après l'autre, chacun venait l'inviter à la danse, quand sonnaient les tambours. Mais Rorandini refusait de danser. Chacun, l'un après l'autre, était venu la demander en mariage, mais Rorandini refusait toujours de se marier.
Pourtant, ils étaient beaux, les guerriers fidjiens ! Musclés, le corps d'un beau noir brillant, les cheveux crêpus formant auréole, les yeux ardents, et courageux au combat ! Ils portaient des colliers d'os et de dents de cochons. Ils dansaient au son des tambours, en frappant le sol avec des bottes de roseaux qui bruissaient.
Ils ne craignaient que les dieux. Burotou était le royaume des dieux, qui s'en échappaient parfois ... Les Fidjiens craignaient surtout Levatu, la déesse qui planait souvent au-dessus des flots .


Personne ne comprenait la conduite de la princesse Rorandini.
On s'aperçut bientôt que, pourtant, elle ne refusait pas toujours de danser ... Elle dansait chaque fois qu'une fête était donnée en l'honneur des Tongans. Il en venait souvent, des Tongans : Leur archipel n'est tout juste qu'à quelques jours de pirogue. Leur venue était toujours l'occasion de grandes fêtes, tout comme à Tonga, lorsque des Fidjiens débarquaient.
Rorandini dansait, mais elle ne dansait qu'avec des Tongans, jamais avec des Fidjiens ! Quand on s'en aperçut, vous pensez si l'on fut jaloux ! _ Les Tongans n'avaient pas les cheveux crépus : Ils les portaient noirs, longs, lissés à l' huile parfumée et noués en chignon. Leur corps n'était pas sombre : Ils avaient la peau cuivrée. Ils portaient des colliers de fleurs et des bijoux de nacre. Leurs yeux étaient aussi ardents que ceux de Fidjiens et leurs danses étaient endiablées. Ils chantaient admirablement. Ils ne rêvaient rien autant que de gagner Burotou, à la fin de leur vie, pour y rejoindre les dieux et partager avec eux des délices éternels.





Mais pourquoi donc Rorandini donnait-elle la préférence aux Tongans ? Nul ne pouvait répondre à la question.


Un jour, plusieurs chefs tongans arrivèrent spécialement pour saluer la princesse. Pour se préparer à la danse de la soirée, elle désira avoir des fleurs odorantes afin de s'en tresser des couronnes, mais elle voulait les fleurs les plus belles, celles qui seraient les plus suaves. Elle pensa, ( C'était une folie sans doute ! ), elle pensa envoyer un messager demander à Ndandarakaï, grand esprit qui demeurait à Lamy, près de Suva, des fleurs cueillies dans les bocages odorants de Burotou ... Rien de moins ! _ Des fleurs qui auraient été cueillies dans le royaume des dieux, lequel se trouvait caché sous la mer, à l'ouest des îles Fidji !


Ndandarakaï avait rencontré des guerriers fidjiens. Il était au courant de l' étrange conduite de la princesse. Il renvoya le messager :

_ " Va dire à Rorandini que je n'aime pas qu'elle danse avec les Tongans. Ce sont des étrangers : Les couronnes de fleurs odorantes de Burotu ne sont pas pour eux. "

Mais Rorandini se savait belle. Elle savait que personne ne résistait à ses désirs. Elle se rendit elle-même à Lami et elle supplia l' Esprit de lui accorder les couronnes qu' elle demandait.

_ " Grand Ndandarakaï, lui dit-elle, donne-moi, pour la danse de cette nuit seulement, des fleurs odorantes des bocages de Burotou. Si tu veux bien me les donner, je te promets que ce sera la dernière fois que je danserai avec les Tongans. Donne-moi, pour cette nuit seulement, les fleurs odorantes et je t'appartiendrai, à toi seul ... "










_ " Alors va danser, Rorandini, et sois heureuse avec les Tongans. Mais ce sera la dernière fois car, demain, je viendrai te chercher. Tu m'appartiendras, et tu n'appartiendras qu'à moi seul. Tu viendras ici, à Lami, pour y vivre avec moi. "

_ " Mais où sont les couronnes de fleurs odorantes?" supplia la belle princesse ...

_ " Va danser ... Il faut que les Tongans te voient telle que tu es. Pendant que tu danseras, les couronnes de fleurs odorantes des bocages de Burotou tomberont sur ta tête et couvriront le sol à tes pieds. Les Tongans verront comme tu es belle, et ils sauront alors que tu n'appartiens qu'à moi, à moi seul. "



Rorandini retourna à Suva. Au coucher de soleil, les Tongans commencèrent à faire la fête. La lune se leva, la danse commença ... Aucune fleur, aucune couronne ne tomba sur la tête de Rorandini. Elle était furieuse : Elle pensait que Ndandarakaï s'était moqué d'elle. Néanmoins, les Tongans étaient en admiration devant les charmes de sa jeune beauté.

Tout à coup, venues d'en haut, couronnes sur couronnes, toutes composées des fleurs les plus choisies et les plus suaves des bosquets de Burotou, descendirent sur sa tête et tombèrent sur le sol à ses pieds. Elle regarda en l'air et sourit ... Les Tongans la trouvèrent plus belle encore. Aussitôt, elle arrêta la danse. Elle demanda aux Tongans de préparer leurs pirogues et de l'emmener immédiatement à Tonga. Fiers de ce choix, ils ne perdirent pas de temps : La flotte des Tongans s'éloigna. A la pointe du jour, ils avaient atteint une île appelée Lakemba.







Au lever du soleil, Ndandaraka, le Grand Esprit, se rappela les paroles de la jeune princesse :

_ " Ce sera la dernière fois que je danserai avec les Tongans, puis je serai à toi. "

Il se rendit à Suva pour voir sa nouvelle épouse : Elle était partie ! Par l'intermédiaire de la racine d'un arbre sacré, ils appela un millier de génies-charpentiers, qui demeurent sous la terre :

_ " Construisez moi un canot : La coque en bois de litchi, le pont dans un autre bois, le mât dans un autre encore et les vergues dans un quatrième bois, différent. Tout ce que je vous demande, c'est de ne choisir que des bois provenant d'arbres fruitiers : Il y en a bien assez aux environs ! Je vais boire la boisson sacrée ; il faudra que le canot soit lancé, la voile hissée, lorsque j'aurai fini de boire ... "

Au moment même où les Tongans quittaient l'île que l'on nomme Lakamba avec la belle Rorandini, Ndandarakaï partait de Suva dans son canot neuf. Il dit à son timonier :

_ " Avec le vent tel qu'il est orienté aujourd'hui, le voyage doit se faire par Lakamba : Gouvernez vers Lakamba."


Le second jour, alors que le soleil se levait, Ndandarakaï atteignit la flotte des Tongans, qui s'éloignait de Lakemba. Regardant vers les cieux, il vit la déesse Levatu, qui était la mère de sa mère. Elle planait au-dessus de son canot.

_ " Dis-moi; Levatu, comment dois-je faire pour délivrer la belle Rorandini qui se trouve dans le canot de ces Tongans fanfarons ? "








En entendant la prière de Ndandarakaï, tous les Tongans tremblèrent de peur au seul nom de l'impitoyable Levatu. Ils se mirent à trembler et ils s'empressèrent de pagayer plus vite. Rorondini elle-même, se cacha sous les fines nattes que ses amis avaient gagnés à la danse.

Tout à coup ... Ce fut extraordinaire : Le canot de Ndandarakaï se couvrit de fruits mûrs. La coque, le pont, le mât, les vergues portaient chacun les fruits de l'arbre qui avait servi à le construire.

Levatu, d'en haut, secoua le canot , et les fruits tombèrent parmi les Tongans. Oubliant leur peur et oubliant même la princesse, ils se bataillèrent pour s'emparer de ces excellents fruits. La bataille était si confuse qu' il était impossible de distinguer quoi que ce soit.

Ndandarakaï, aidé par Levatu, enleva lestement sa nouvelle épouse du canot des Tongans. Elle était toute tremblante. Il la déposa dans son propre canot. Il fit aussitôt route vers Suva, laissant les Tongans se lamenter pour la perte de la princesse Rorondini.

LES JARDINS DES ILES

Quelque bédouin, arpentant les grèves à l'amble de son chameau du côté de Mascate ... Quelque marin traînant sur le sable sa chaloupe ou son prao ... Cela arrivait parfois : _ On découvrait dans l'écume de la vague un fruit bien curieux dont la rareté et l'aspect faisaient tout le prix, lequel était considérable...
C'était un fruit beaucoup plus gros qu'une noix de coco ... C'était le fruit le plus gros et le plus lourd qu'aucun arbre ait jamais porté. Une noix double, venue on ne savait d'où, on ne savait comment : Ce fruit ne pouvait pas flotter _ Il pesait plus de cinq kilogrammes et sa densité était supérieure à celle de l'eau. A bien le regarder, le tournant et le retournant, on ne pouvait que s'étonner : Quel génie, quel dieu peut-être, pouvait bien l' avoir cueilli, et en quel jardin ?
_ Aucune hésitation n'était possible : L'arbre qui le portait ne pouvait pousser que dans le jardin d'un génie ou dans celui du dieu de l'amour : Les rondeurs de cette noix double évoquaient sans conteste celles d'un fessier féminin : Rondeurs et orifices là où il le fallait ... Fente suggestive et même triangle velu bien placé. De quoi faire rêver le marin ou le bédouin : _ Images de houris au bord de l'Océan Indien !
Ce fruit était très recherché par les princes et les rois, les émirs et les sultans. Sa coque sculptée, gravée, niellée d'or, d'argent et de nacre devenait aiguière ou bien coupe précieuses. _ "Coco-de-mer" ...




Qui découvrirait l'arbre qui le portait ?_ Cet arbre poussait-il sur terre, ou bien au fond des océans ? _ De ses formes on déduisait les propriétés supposées : _ La chair de ce fruit ne pouvait qu'être aphrodisiaque ... Et l'on disait qu'effectivement ... Elle réussissait très bien ... même à l'émir Abdul-Hamid, lequel avait plus de cent trente ans et trente six femmes ... Ceci expliquant cela, celui qui le ramassait avait fortune faite !
Et puis un jour, un grand voilier découvrit une île de granit rose, dans l'archipel qui se nomme maintenant les Seychelles. Cette île est celle qui reçut depuis le nom de Praslin, en l'honneur du Duc de Praslin, dit-on,( oui, celui qui inventa les prâlines ) ... A moins que ce ne fût en l'honneur de son cousin ?
... Dans le fond d'une vallée ... que l'on a ... Dieu sait pourquoi ... baptisée la Vallée de Mai, poussaient des palmiers immenses, aux larges feuilles en éventail : Ces palmiers portaient les"cocos-de-mer" ! Il y en avait toute une forêt, ( Elle existe encore ... ) _ Moiteur ... Chaleur ... On s'aperçut alors que, si les formes du fruit sont suggestives, celles de l'inflorescence mâle ne le sont pas moins : Il s'agit d'un énorme pénis brun ... long de deux coudées ... turgescent, tendu. Le moment venu, cette inflorescence s'incline en direction d'une autre inflorescence, femelle celle-là : En un subit orgasme, les mille petites étoiles jaunes qui le recouvrent éclatent toutes en même temps et libèrent les pollens qu'emporte la brise.

Mais on dit aussi ... On dit ... Que ne dit-on pas ? _ On dit que lorsque la mer se gonfle, lorsque les alisés sont doux et chauds ... Les palmiers gagnent la plage et, par couples, descendent jusqu'au fond de l'océan...C'est là qu'ils célèbrent leurs noces ... Au petit matin, chacun a regagné sa place par-delà les cascades .
... Qui l'a dit ? ... Qui l'a vu ?

... Attendre la maturation des fruits : "Cocos-de-mer", ou de façon plus triviale mais plus courante : "Cocos-fesses" ... Et cela dit bien ce que celà veut dire ...
Dans la Vallée-de-Mai coule un clair ruisseau, sur un lit de cristal. Parfois, une palme chavire et tombe : C'est ainsi depuis la nuit des temps _ Un tapis de palmes recouvre le sol. Parfois passe une perruche noire, d'un seul trait ... Qui l'a vue ? ... Qui l'a vue ?
_ C'est ici que se trouvait le jardin d'Eden, n'est-ce pas ? Ici ont vécu Eve et Adam, n'est-il pas vrai? _ Un général anglais, l'imagina le premier... Et si l'on vous dit qu' il s'agissait d'un général anglais ... Comment ne pas le croire ?
... C'est une belle histoire. On me l'a contée au bord d'une plage ... à Tahiti pour la première fois ... Nous nous étions assis sur le sable noir, en lisière du jardin botanique, à Opunohu ... Même chaleur ... Mêmes odeurs séminales d'humus et de vie, telles qu'à l'aisselle de la fille pubère ou au ventre de la femme mûre ...



Le soleil se couchait sur Mooréa, l'île voisine, déployant des éventails,des voiles et des draperies d'argent et d'or ... de pourpre aussi. On entendait rouler la vague au récif ... Le lagon brillait comme un grand plat d'étain ... Un grand poisson faisait des ricochets ...
_ " Je ne sais pas si l'acclimatation des "cocos-de-mer" a été essayée ici ... Elle n'a réussi nulle part : Le" coco-de-mer ne vit que dans la "vallée-de Mai".
_" Certains pensent que cette acclimatation aurait été réussie à Tahiti ... Si Harrison Smith l'avait tentée ...
_ " Harrison Smith ! Un Britannique, je crois ... Un grand diable qui vivait là, à demi-nu ... Ou parfois complètement nu... Il s'était épris de Tahiti ... _ Tu vois sa maison, là-bas ... Elle avait alors un toit de palmes au lieu de tôles ... Il dort son dernier sommeil tout en haut de la colline .. Là où il l'avait souhaité ... au-milieu des bambous qu'il avait plantés. _ " C'est lui qui créa le jardin botanique.
_ Combien d'hectares ? _ Je ne le sais pas exactement : Le jardin était beaucoup plus grand qu'aujourd'hui."

Tulipiers aux fleurs rouges dressées en quenouilles, figuiers-banians aux racines descendant du haut des branches ... Ici un cannelier, là un girofflier, un poivrier, un quenettier, le carambolier aux fruits acides, le corossol, les manguiers ... La forêt des "mapé", là-bas ... Leurs troncs surgissent du marécage, soutenus paar des contreforts, comme les murs des cathédrales ... Lotus des étangs, nénuphars rouges ou violets...



Voici le rotin, la liane-de-jade, le sagoutier et le palmier-à huile. Voici les arbres- à-pain aux larges feuilles découpées, en leurs multiples variétés. ... Tous les hibiscus, les cierges des "opuhi", les fleurs des balisiers, aux couleurs de perroquets, les oiseaux-de-paradis par pleins massifs, et les cascades des bougainvillées ... Que dire encore ? _ La nacre des chairs, l''humidité des muqueuses tièdes ... Ah ! La rose-porcelaine !
Dans leur parc, tout près, deux tortues des Galapagos tentent de s'accoupler : Leur souffle se fait rauque, puis il devient presque un mugissement ... Le mâle a eu les yeux crevés par un imbécile. Ces deux tortues sont plus que centenaires ...
_ " Harrison Smith ? C'était un silène, un satyre, un diable, un dieu ... Comme tu voudras ...
On dit ... On dit ...
Tiens, ce soir, as-tu vu la vieille petite dame qui marchait à pas lents au bord de la mer ? _ Elle portait une robe rose-bonbon et une capeline blanche ... On dit que chaque année, elle revient ici, au jour de la Saint-Valentin... Elle tenait à la main une fleur de lotus : soie froissée ... Je sais pourquoi elle vient ici tous les ans : ... Un soir, à la même heure que maintenant, ou à peu près ... A l'heure des odeurs suaves ... Elle a rencontré Harrison Smith sur la plage ... C'était il y a bien longtemps : Elle avait seize ans ! ... Nu, Harrison sortait du bain ... Arriva ce qui devait arriver ... Il cueillit sa fleur ... Là, sur le sable ... C'est cela que la vieille dame n'a jamais oublié ! ... Sans doute ce sacré Harrison faisait-il des miracles ! Chaque année, la vieille dame commémore la Saint-Valentin ... Mais croyez-moi, il y en eut d' autres, nombreuses...
Si elles venaient en pélerinages toutes ensemble au jardin botanique, cela ferait une belle procession ! " .

CONTE DES ILES MARQUISES

Mauike, déesse du feu, des tremblements de terre et des volcans habite l'Havaïki, c'est à dire le pays des ancêtres, là-bas vers le couchant.

_ "Qui l'a dit ?"

_ " Tout le monde ici te l'apprendra. "

Mauike avait une fille, une fille unique, son nom importe peu. Elle n'est pas l'héroïne de notre histoire. Mais cette fille était mariée sur la terre, et elle avait un fils, lequel s'appelait Maui.
Maui vivait avec sa mère et son père en un point de l'île dont l'endroit a été oublié. Il n'était encore que poïti (jeune garçon), mais il était las, déjà, de manger ses aliments crus.

_ " Eh ! Pourquoi ne les faisait-il pas cuire ? "

_ " Il ne disposait pas du feu, qui était alors inconnu des hommes..."

_ " A qui fera-t-on croire que Maui ne connaissait pas le feu, alors que sa grand-mère n'était autre que la déesse des volcans ?"


_ " C'est très compliqué : Il savait que le feu existait. Il avait même vu ses parents manger des aliments cuits ..."

_ " Vous voyez bien ! "

_ " Oui, mais lui, il n'avait jamais droit qu'à des aliments crus et il ne savait pas où trouver du feu. Pourtant, ses parents sortaient souvent, pendant la nuit. Ces sorties l'intriguaient beaucoup : Il était convaincu qu'ils allaient chercher du feu. "

Un soir, sa mère lui dit :

_ " Reste ici, Poïti ; je vais revenir bientôt."

_ " Je veux aller avec toi !"

_ " Tu ne le peux pas. Je ne peux pas t'emmener."

La mère partie, l'enfant la suivit de loin.
Près d'entrer dans le chemin qui conduit à l'Havaïki, le mère fut arrêtée par un oiseau, perché sur un "kaku". Elle appela son mari et ils jetèrent des pierres à l'oiseau. Ils lui en jetèrent beaucoup, mais sans l'atteindre. Soudain, à la place de l'oiseau, ils reconnurent leur fils Maui, sous forme humaine et sans plumes.


      Maui pénétra dans l'ouverture qui conduisait à l'Havaïki. Il arriva près de sa grand-mère, Mauike. Il ne l'avait jamais vue mais il sut tout de suite que c'était bien elle : Son corps était rempli de feu.

_ " Rempli de feu ? "

_ " Oui. Mais Mauike avait le feu dans les doigts et dans les orteils, surtout. "


À l'arrivée de Maui, sa grand-mère lui demanda quel était le but de sa visite.

_ " Je suis venu pour avoir du feu."

_" Tu veux du feu ? "

Elle lui donna un de ses doigts : le koiti, c'est à dire le petit doigt. Maui s'en alla et marcha tout droit jusqu'à la mer, où il l'éteignit.
Quand cela fut fait, il retourna chez sa grand-mère et lui dit que son feu s'était éteint.

_ " Comment s'est-il éteint ?"

_ " Il est tombé dans l'eau."


       Mauike se coupa un autre doigt, le manawa, c'est à dire l'annulaire. Maui s'en alla. Il le trempa dans la mer pour l'éteindre également, puis il mouilla sa main pour que Mauike crut à la vérité de ses paroles. De nouveau, il se présenta devant elle et lui demanda un peu de feu.

_ " Mais pourquoi donc Maui ne s'est-il pas contenté du feu qui lui avait été donné la première fois ? C'était bien pour faire cuire ses repas, qu'il voulait du feu ?"

_ " Oui, bien sûr, mais maintenant, il lui venait à l'idée que, s'il devenait seul possesseur du feu, il deviendrait très puissant, aussi puissant qu'un dieu !"

_ " Alors il va continuer à dépouiller sa grand- mère?"

_ "Il va continuer. Il réclame le mapere, c'est à dire le majeur, puis le koroa, autrement dit l'index et enfin le rongo-matua, c'est à dire le pouce ..."

_ " Et la vieille Mauike se laisse faire ? "

_ " Elle se laisse faire ... Allez donc savoir pourquoi ! C'est ainsi ! "

_ "Dis-donc, elle est bizarre, ton histoire. Moi, à la place de la grand-mère, je ne me serais certainement pas laissé faire !"


_ " Eh bien c'est ainsi pourtant. Aux Marquises, tous les anciens te le diront. Ayant fini avec les doigts, Maui demanda les orteils ... Et ils les obtint tous, excepté le gros orteil !"

_ " Lequel ? Je suppose qu'elle en avait un au pied gauche et un au pied droit, comme tout le monde ?"

_ " Comme tout le monde. Mais l'histoire raconte bien qu'il lui restait un pouce ; elle ne dit pas lequel. Qu'importe ! Maui dit à sa grand-mère : Donne-moi le gros orteil ! "

_ " Non, Maui, je ne te le donnerai pas car je vois bien que tu as formulé quelque mauvais projet à mon égard. Tu m'as déjà pris tous mes doigts et il ne reste plus qu'un seul orteil !"




Alors Maui arracha lui-même le gros orteil de sa grand-mère ... Le dernier qui lui restait. Il brandit le feu et l'agita : Il en brûla la terre et les arbres. Maui lui-même fut presque tout brûlé. S'il s'enfuyait dans une direction, le feu l'y poursuivait. S'il s'enfuyait dans une autre direction, les flammes le suivaient encore.


       Ne trouvant aucun refuge sur la terre, Maui s'éleva dans les airs. Il appela la pluie. La pluie se mit à tomber ... Mais il demeurait entouré de flammes. Il demanda une plus forte pluie ... Cela ne suffisait pas ... Il dut demander à la pluie de tomber à torrents. Elle arriva, et elle éteignit les flammes en se répandant sur la terre.

      Quand les eaux provoquées par ce déluge eurent atteint le tikitiki , c'est à dire le noeud qui réunissait les cheveux de Maui au sommet de sa tête, les semences du feu s'enfuirent vers tous les arbres environnants : Le rata, le kaikatea, l'hinau, le rimu, le matai, et le miro. Mais ces arbres ne voulurent pas les recevoir. Elles se sauvèrent alors vers le patete, le kaikomako, le mahohe, le totara, et le puketea , qui les reçurent. Ces derniers arbres sont encore ceux qui fournissent le bois dont on peut obtenir le feu par frixion.

LE URU OU ARBRE A PAIN

_ " Vas-tu encore nous raconter une histoire très compliquée, dans laquelle vont intervenir des monstres et des géants ? "

_ " Mais non, mais non ... C'est une très belle histoire. Et puis ... Ne penses-tu pas que, dans toutes les histoires venues des îles lointaines, il y a beaucoup d'aventures et beaucoup de personnages qui ressemblent à ceux de nos contes européens ? Tu sais, finalement, les hommes sont partout les mêmes et leurs histoires sont assez semblables ...



-"Taaroa est le dieu créateur. Oro est son fils , le dieu du soleil et de la guerre ... Il est le premier des dieux après son père.
Un jour, Oro décida qu'il voulait se choisir une compagne sur la terre, parmi les mortelles. Il descendit du premier étage des cieux jusque sur le Païa, montagne élevée de Bora Bora. Il appela les déesses Teouri et Oaaoa, ses soeurs. à qui il confia son projet :

_ " Voulez-vous m'accompagner et m'aider dans ma recherche pour trouver une compagne qui soit digne de nous ?"


          Comme elles avaient accepté de l'aider, ils descendirent tous les trois du sommet de la montagne : Ils s'étaient enveloppés de brouillard pour qu'on ne les voie pas et Oro avait convoqué l'arc-en-ciel, dont une extrémité reposait au sommet du mont Païa et l'autre sur la terre. C'est en suivant le chemin de l'arc-en-ciel, qu'ils descendirent tous les trois ...

_ " Oh ! Quelle belle image !"

_ Tu vois, cette image appartient aussi au trésor des contes européens ... "


Ils prirent tous les trois, pour se dissimuler, une apparence humaine : Oro ressemblait tout à fait à un jeune guerrier, ses deux soeurs auraient pu être prises pour des jeunes filles du pays ...



           Ils parcoururent les différentes îles, donnant partout des fêtes, surtout des fêtes de l'espèce qu'on appelle operea, qui rassemblent toutes les femmes. Tout le monde y vint, et les tambours battirent, et les toere rythmèrent les danses. Les flûtes étaient aussi de la partie.

_ " Toutes ces fêtes n'avaient pour but, bien sûr, que de rassembler les femmes pour que Oro puisse faire son choix ! "

_ " Bien sûr !"

         Mais, parmi les filles de Taata, ( Les filles de l'homme) le dieu n'en voyait aucune qui lui plût.
Comme le temps passait , le dieu Oro et ses deux soeurs commençaient à se lasser de leurs recherches.

_ " Dis-donc, Oro ... Nous voulons bien t'aider, mais cela commence à durer un peu trop. Ne crois-tu pas que tu trouverais plus facilement la compagne qui te plairait si tu cherchais dans le ciel? _ Les déesses y sont nombreuses et il n'en manque pas de très belles ... Pourquoi t'obstiner à chercher une mortelle alors que les déesses, elles, jouissent de la vie éternelle ?"

_ " Je veux encore chercher à Bora Bora. Allons à Vaïtape ... "


toere : petit instrument à percussion en bois.

        Ils partirent au village de Vaïtape, dans l'île de Bora Bora. Là, ils rencontrèrent une jeune fille, qui se baignait dans un petit lac, nommé Ovai aïa . Cette jeune fille était d'une rare beauté. Oro, charmé, dit à ses soeurs d'aller la voir, pendant qu'il remontait au sommet du mont Païa.

_ " Tu es allé à Vaïtape ? "

_ " Oui, j'y suis allé. Je connais bien ce village au bord du lagon, juste en face de la passe par laquelle les grand bateaux peuvent franchir le récif. C'est maintenant un très joli petit village, avec des barques et des pirogues. Il y a une église avec un clocher pointu. Il y a une école et même une pharmacie ... "

               Approchant, les deux déesses saluèrent la jeune fille. Elles louèrent sa beauté et elles lui dirent qu'elles venaient d'Anau, district de Bora Bora et qu'elles avaient un frère qui désirait s'unir à elle. Vaïraumati ( c'était le nom de la jeune fille ...) , examinant avec attention les étrangères, leur dit :

_ " Vous n'êtes point d'Anau, mais n'importe ... Si votre frère est arii (noble), s'il est jeune et s'il est beau ... Votre frère peut venir : Vaïraumati sera sa femme. "

              Teouri et Oaaoa remontèrent aussitôt au sommet du mont Païa pour faire connaître le résultat de leur leurs démarches à leur frère. Celui- ci appela de nouveau l'arc-en-ciel et redescendit vers Vaitape.
            Vaïraumati l'attendait. Elle le reçut de façon parfaite : Elle avait dressé une table chargée de fruits et elle avait répandu sur le sol les nattes les plus fines et les étoffes les plus riches. Ils se marièrent et il y eut une grande fête avec toutes les danses imaginables.



                Oro, charmé de sa nouvelle épouse, retournait chaque matin au sommet du mont Païa et redescendait chaque soir, par l'arc-en-ciel, jusque chez Vaïraumati.
Il resta ainsi longtemps absent du ciel. Ses frères, Orotetefa et Ouretefa s'inquiétaient. Ils appelèrent l'arc-en-ciel, à leur tour, et ils descendirent sur la terre. Ils cherchèrent sur toutes les îles.

           Ils le découvrirent enfin, avec son épouse, dans l'île de Bora Bora : Ils étaient assis à l'ombre d'un arbre sacré.
Ils furent tous les deux frappés par la beauté de la jeune femme. Ils n'osaient approcher d'elle et de leur frère sans leur offrir quelque présent. A cet effet, l'un d'eux se changea en truie, l'autre en plumes rouges. Ils redevinrent aussitôt eux-mêmes, mais la truie et les plumes rouges restaient. Ils approchèrent des nouveaux mariés et leur offrirent ces présents.

                      Il arriva que Vaïraumati se trouva enceinte ... La nuit suivante, la truie mit bas sept petits ... Oro prit l'un d'entre eux, se rendit jusqu'à Raïatea, l'île voisine, l'île sacrée. Il offrit le petit cochon à un homme dénommé Mahi, qu'il trouva au grand marae, ou temple de Opoa. On dit que Mahi devint , sur le marae de Opoa, qui est le lieu le plus sacré de la Polynésie, le premier prêtre de Oro et le gardien du temple ....


               On dit aussi que Oro, retournant auprès de Vaïraumati lui annonça qu'elle accoucherait d'un fils. Il lui demanda de le nommer Hoa tabou te Raï ( L'ami sacré des cieux ).

Il ajouta :

_ " En ce qui me concerne, les temps sont venus. Vois, mes frères sont déjà venus me chercher. Je dois te quitter. "

                Se changeant alors en une immense colonne de feu, il s'éleva majestueusement dans les airs au-dessus du Piririre, la plus haute montagne de Bora Bora. Son épouse éplorée et le peuple saisi d'étonnement le perdirent alors de vue.
On dit enfin que son fils, Hoa tabou te Rai fut un grand chef, qui fit beaucoup de bien aux hommes. Il les délivra de nombreux maux. A sa mort, il rejoignit son père au céleste séjour...

_ " Et Vaïraumati ? "

_ " Oro la fit également monter au ciel où elle prit rang parmi les déesses ... Certains disent même qu'elle est devenue Hina, la déesse de la lune, qui se mire dans les eaux du lagon lorsqu'elles sont calmes et lisses ... "

CONTE DES ILES-SOUS-LE-VENT

_ " Vas-tu encore nous raconter une histoire très compliquée, dans laquelle vont intervenir des monstres et des géants ? "

_ " Mais non, mais non ... C'est une très belle histoire. Et puis ... Ne penses-tu pas que, dans toutes les histoires venues des îles lointaines, il y a beaucoup d'aventures et beaucoup de personnages qui ressemblent à ceux de nos contes européens ? Tu sais, finalement, les hommes sont partout les mêmes et leurs histoires sont assez semblables ...



-"Taaroa est le dieu créateur. Oro est son fils , le dieu du soleil et de la guerre ... Il est le premier des dieux après son père.
Un jour, Oro décida qu'il voulait se choisir une compagne sur la terre, parmi les mortelles. Il descendit du premier étage des cieux jusque sur le Païa, montagne élevée de Bora Bora. Il appela les déesses Teouri et Oaaoa, ses soeurs. à qui il confia son projet :

_ " Voulez-vous m'accompagner et m'aider dans ma recherche pour trouver une compagne qui soit digne de nous ?"


           Comme elles avaient accepté de l'aider, ils descendirent tous les trois du sommet de la montagne : Ils s'étaient enveloppés de brouillard pour qu'on ne les voie pas et Oro avait convoqué l'arc-en-ciel, dont une extrémité reposait au sommet du mont Païa et l'autre sur la terre. C'est en suivant le chemin de l'arc-en-ciel, qu'ils descendirent tous les trois ...

_ " Oh ! Quelle belle image !"

_ Tu vois, cette image appartient aussi au trésor des contes européens ... "


               Ils prirent tous les trois, pour se dissimuler, une apparence humaine : Oro ressemblait tout à fait à un jeune guerrier, ses deux soeurs auraient pu être prises pour des jeunes filles du pays ...


                Ils parcoururent les différentes îles, donnant partout des fêtes, surtout des fêtes de l'espèce qu'on appelle operea, qui rassemblent toutes les femmes. Tout le monde y vint, et les tambours battirent, et les toere rythmèrent les danses. Les flûtes étaient aussi de la partie.

_ " Toutes ces fêtes n'avaient pour but, bien sûr, que de rassembler les femmes pour que Oro puisse faire son choix ! "

_ " Bien sûr !"

Mais, parmi les filles de Taata, ( Les filles de l'homme) le dieu n'en voyait aucune qui lui plût.
Comme le temps passait , le dieu Oro et ses deux soeurs commençaient à se lasser de leurs recherches.

_ " Dis-donc, Oro ... Nous voulons bien t'aider, mais cela commence à durer un peu trop. Ne crois-tu pas que tu trouverais plus facilement la compagne qui te plairait si tu cherchais dans le ciel ? _ Les déesses y sont nombreuses et il n'en manque pas de très belles ... Pourquoi t'obstiner à chercher une mortelle alors que les déesses, elles, jouissent de la vie éternelle ?"

_ " Je veux encore chercher à Bora Bora. Allons à Vaïtape ... "


*(toere : petit instrument à percussion en bois.)





         Ils partirent au village de Vaïtape, dans l'île de Bora Bora. Là, ils rencontrèrent une jeune fille, qui se baignait dans un petit lac, nommé Ovai aïa . Cette jeune fille était d'une rare beauté. Oro, charmé, dit à ses soeurs d'aller la voir, pendant qu'il remontait au sommet du mont Païa.

_ " Tu es allé à Vaïtape ? "

_ " Oui, j'y suis allé. Je connais bien ce village au bord du lagon, juste en face de la passe par laquelle les grand bateaux peuvent franchir le récif. C'est maintenant un très joli petit village, avec des barques et des pirogues. Il y a une église avec un clocher pointu. Il y a une école et même une pharmacie ... "

                Approchant, les deux déesses saluèrent la jeune fille. Elles louèrent sa beauté et elles lui dirent qu'elles venaient d'Anau, district de Bora Bora et qu'elles avaient un frère qui désirait s'unir à elle. Vaïraumati ( c'était le nom de la jeune fille ...) , examinant avec attention les étrangères, leur dit :

_ " Vous n'êtes point d'Anau, mais n'importe ... Si votre frère est arii (noble), s'il est jeune et s'il est beau ... Votre frère peut venir : Vaïraumati sera sa femme. "


           Teouri et Oaaoa remontèrent aussitôt au sommet du mont Païa pour faire connaître le résultat de leur leurs démarches à leur frère. Celui- ci appela de nouveau l'arc-en-ciel et redescendit vers Vaitape.
Vaïraumati l'attendait. Elle le reçut de façon parfaite : Elle avait dressé une table chargée de fruits et elle avait répandu sur le sol les nattes les plus fines et les étoffes les plus riches. Ils se marièrent et il y eut une grande fête avec toutes les danses imaginables.



                    Oro, charmé de sa nouvelle épouse, retournait chaque matin au sommet du mont Païa et redescendait chaque soir, par l'arc-en-ciel, jusque chez Vaïraumati.
Il resta ainsi longtemps absent du ciel. Ses frères, Orotetefa et Ouretefa s'inquiétaient. Ils appelèrent l'arc-en-ciel, à leur tour, et ils descendirent sur la terre. Ils cherchèrent sur toutes les îles.

              Ils le découvrirent enfin, avec son épouse, dans l'île de Bora Bora : Ils étaient assis à l'ombre d'un arbre sacré.
Ils furent tous les deux frappés par la beauté de la jeune femme. Ils n'osaient approcher d'elle et de leur frère sans leur offrir quelque présent. A cet effet, l'un d'eux se changea en truie, l'autre en plumes rouges. Ils redevinrent aussitôt eux-mêmes, mais la truie et les plumes rouges restaient. Ils approchèrent des nouveaux mariés et leur offrirent ces présents.

                  Il arriva que Vaïraumati se trouva enceinte ... La nuit suivante, la truie mit bas sept petits ... Oro prit l'un d'entre eux, se rendit jusqu'à Raïatea, l'île voisine, l'île sacrée. Il offrit le petit cochon à un homme dénommé Mahi, qu'il trouva au grand marae, ou temple de Opoa. On dit que Mahi devint , sur le marae de Opoa, qui est le lieu le plus sacré de la Polynésie, le premier prêtre de Oro et le gardien du temple ....


                  On dit aussi que Oro, retournant auprès de Vaïraumati lui annonça qu'elle accoucherait d'un fils. Il lui demanda de le nommer Hoa tabou te Raï ( L'ami sacré des cieux ).


Il ajouta :

_ " En ce qui me concerne, les temps sont venus. Vois, mes frères sont déjà venus me chercher. Je dois te quitter. "

          Se changeant alors en une immense colonne de feu, il s'éleva majestueusement dans les airs au-dessus du Piririre, la plus haute montagne de Bora Bora. Son épouse éplorée et le peuple saisi d'étonnement le perdirent alors de vue.
On dit enfin que son fils, Hoa tabou te Rai fut un grand chef, qui fit beaucoup de bien aux hommes. Il les délivra de nombreux maux. A sa mort, il rejoignit son père au céleste séjour...

_ " Et Vaïraumati ? "

_ " Oro la fit également monter au ciel où elle prit rang parmi les déesses ... Certains disent même qu'elle est devenue Hina, la déesse de la lune, qui se mire dans les eaux du lagon lorsqu'elles sont calmes et lisses ... "

CONTE DE TANGALOA

"_A l'ouest "..

_ "Mais à l'ouest de quoi ? "

_ "A l'ouest était Boulotou, le séjour des dieux. Au-dessus de l'eau, il n'y avait autrefois pas d'autre terre que Boulotou. Cette île avait existé de tout temps, de même que les dieux qui y vivaient, immortels, de même que le firmament et l'Océan ... Les hommes n'existaient donc pas. Les hommes ?_ Il n'y avait aucun pays pour les accueillir.

_ " Mais alors ... D'où peuvent-ils bien être venus ?"

On dit qu'un jour Tangaloa, ... Le dieu des Arts et des métiers, le dieu de la Terre, le Père des Eaux et des Poissons .. On dit que Tangaloa, un jour, sortit pour pêcher dans le grand océan. Du haut du ciel, il jeta dans la mer sa ligne et son hameçon. Il sentit brusquement une puissante résistance. Pensant avoir pris un énorme poisson, il tira de toutes ses forces :

_ " Oh là ! Vas-tu venir ? "

Il vit apparaître à la surface de l'eau diverses pointes de rochers :

_ " Qu'est ceci ?"

              Le nombre de rochers augmentait au fur et à mesure qu'il tirait sa ligne, leur grandeur aussi. Il était donc évident que l'hameçon était accroché au fond de l'océan ... C'était plus qu'une grande île : C'était tout un continent, que Tangaloa allait finir par tirer du fond des eaux ... Il venait, il montait vers la surface ... Mais tout à coup, la ligne cassa d'un coup sec.
Les îles Tonga étaient émergées, mais le reste de la terre ne l'était point.

                Le rocher dans lequel l'hameçon s'était accroché se trouve dans l'île de Hunga : On y voit encore le creux dans lequel l'hameçon s'était engagé. C'était un hameçon de bois : Il a, de tout temps, été conservé dans la famille de Tuitonga, mais un jour, un incendie l'a consumé.

               Tangaloa avait ainsi découvert une île, qu'il appela Tongatabou ( Tonga _ la _ Sacrée ). Il la recouvrit de plantes et d'animaux semblables à ceux de Boulotou. Cependant, ceux de Boulotou étaient éternels alors que les créatures de Tangaloa, d'une nature inférieure, étaient sujettes à la mort.


               On dit encore ... Qui faut-il croire ? _ On dit encore que le pêcheur était Maui, le premier homme, fils de Tiki, le dieu créateur. Maui serait venu de Hawaïki, l'île bienheureuse située dans l'ouest ...

_ " Mais, là encore ... Dans l'ouest de quoi ? ... Puisqu'il n'y avait rien !"

_ " Dans l'ouest ... Comme Boulotou ... Et puis, il s'agit peut-être de la même île, sous deux noms différents ... Va savoir ! "

               Maui se trouvait dans sa pirogue. Il avait jeté sa ligne et pêchait à la traîne, comme on le fait pour prendre les espadons, les thons, et autres grands poissons voyageurs ... C'est ainsi que son hameçon s'accrocha au fond de l'Océan. C'était une île énorme, presque un continent, que Maui traînait derrière sa pirogue. Elle était allongée et avait la forme d'un énorme poisson. Maui la traînait d'est en ouest. Elle était lourde, bien sûr ... Elle avait de la peine à émerger.
Accrochée à l'hameçon, une première île apparut, que Maui appela Ata. La ligne ayant été jetée à nouveau, ce fut cette fois Tongatabou qui apparut. La troisième fois que la ligne fut lancée apparurent Lofanga et les îlots environnants, collectivement appelés Haapai. Enfin apparurent Vavau, ses îlots et ses récifs. Puis la ligne cassa.


                   Maui passa en revue toutes ces îles, dès qu'elles furent émergées. Il choisit Tongatabou pour résidence. C'est pour cela qu'on la nomme Tongatabou : "La Sacrée".
Partout où le dieu posa ses pieds, la terre devint basse et plate ; elle resta montueuse entre ses pas.

                  Sur une île de sable, dans l'est de Tonga, "dans l'oeil du vent alisé, un Kiu cherchait sa nourriture, dit-on. Un Kiu, c'est un oiseau des rivages : Un Chevalier ou un Pluvier ... Au cours de sa quête, il trouva un Fue, qui est une plante rampante. Ayant gratté le sable parmi ses feuilles, il vit celles-ci se changer en vers. Il gratta parmi les vers ... Ceux - ci se transformèrent en hommes et en femmes ...


Qui faut-il croire ? _ Que faut-il croire ?

_ Mais tout est vrai, voyons ! Tout est vrai !



               Tangaloa, ( C'était un très grand dieu ! ), voulut que Tongatabou fût peuplée d'êtres dotés d'intelligence. Il appela ses deux fils .

_ " Emmenez vos femmes avec vous. Vous irez demeurer à Tonga. Vous diviserez le pays en deux moitiés. Chacun en prendra une".

            L'aîné se nommait Toubo. Ce n'était qu'un paresseux. De plus c'était un envieux. Comme il ne travaillait jamais, il comptait sur son frère pour obtenir ce dont il avait besoin, qu'il s'agisse de nourriture, de vêtements, d'instruments ou bien d'outils. Le plus jeune se nommait Vaka-Aku-Uli. Il était plein d'intelligence : Ce fut lui qui inventa la hache, les miroirs et les colliers ... Un jour, Vaka-Aku-Uli dit à Toubo :

_ " Tu pourrais bien travailler toi-aussi, ne serait-ce qu'un tout petit peu" ...

                Vexé, Toubo résolut de tuer son frère. Un jour, se promenant sur la plage, il le rencontra et le battit jusqu'à ce que mort s'en suive.

               Tangaloa accourut. Il était très en colère.

_" Pourquoi as-tu tué ton frère ? Ne pouvais-tu pas travailler comme lui ? Pars, misérable ! Va dire à la famille de Vaka-Aka-Uli de venir me trouver immédiatement."

             Les divers membres de la famille étant arrivés, Tangaloa leur dit :

               _" Mettez vos pirogues à la mer. Faites voile du côté de l'est. Vous trouverez une grande terre. Fixez-y votre demeure. Je vous donnerai de grandes pirogues, des haches, toutes sortes de biens. J'ordonnerai aux vents de souffler de votre terre vers celle des Tongans pour que vous puissiez venir jusqu'à cette île chaque fois que vous le désirerez. Mais les habitants de Tonga n'auront que de petites pirogues, les vents leur seront contraires : Ils ne pourront pas aller vous rejoindre chez vous."

               _ " Quant à vous, dit-il à Toubo et à sa famille, votre coeur est méchant. Vous ne connaîtrez pas la sagesse et vous manquerez de tout ce dont jouiront vos frères. Vous n'irez jamais dans la grande terre qu'ils habiteront car vos pirogues ne pourront vous y conduire. D'ailleurs, les vents vous seront contraires. Vos frères, eux, pourront venir à Tonga et y faire du commerce aussi souvent qu'ils le voudront.


           Les anciens rapportent qu'il en fut selon la volonté de Tangaloa. mais d'autres poursuivent leurs récits ...



              C'était à une époque très reculée dans le temps ... Les îles Tonga existaient déjà, mais elles étaient uniquement peuplées par des êtres sans intelligence ... Quelques uns des dieux inférieurs de Boulotou, ayant appris que Tangaloa avait pêché des îles, furent désireux de les voir. Il partirent, au nombre de cent couples, dans une grande pirogue. Ils arrivèrent à l'île de Tonga.

             Ils trouvèrent ce lieu si beau qu'ils résolurent d'y fixer leur séjour. En conséquence, ils brisèrent leur grande pirogue pour en faire plusieurs petites.

_" Et ils y vécurent heureux, bien sûr "...

_ "Il y eut un problème : Deux ou trois jours après leur arrivée, ( cela ne se fit pas attendre longtemps... ) deux ou trois d'entre eux vinrent à mourir. cela alarma beaucoup les autres car l'idée même de la mort ne pouvait leur venir : Pensez donc, un dieu, par définition, c'est éternel, et il en avait toujours été ainsi ! "

               Au même moment, l'un d'entre eux, qui se disait inspiré par l'un des dieux supérieurs de Boulotou ...

_ " Mais c'est de la télépathie ! "

_" Si l'on veut ... Il annonça que les dieux supérieurs, pour les punir d'être partis sans autorisation, avaient décrété que, puisqu'ils avaient respiré l'air de Tonga et avaient consommé ses fruits, ils étaient devenus mortels, comme tout ce qui les entourait ... Cet arrêt les plongea dans la consternation :

_" Que faire pour éviter cette malédiction ? ... Dire que nous ne pouvons même pas retourner à Boulotou, puisque nous avons brisé notre grande pirogue "...

           Ils en construisirent une autre. Quelques uns d'entre eux s'y embarquèrent :

_ " Nous reviendrons vous chercher, ne vous inquiétez pas ... "

             Mais ils s'efforcèrent en vain de retrouver le chemin de Boulotou. Jamais ils ne purent parvenir jusqu'à la terre de leurs aïeux. Tout ce qu'ils réussirent, c'est revenir à Tonga.


            Pour ma part, je crois que toutes ces histoires sont vraies, toutes à la fois. Il faut y croire.

           Aujourd'hui encore on voit, à l'extrémité est de Tongatabou, l'endroit où les dieux débarquèrent à leur arrivée. Cet endroit porte le nom de " Lavenga-Tonga " ( Le point de débarquement à Tonga ). A cet endroit les rochers acérés que les Tongans appellent " Haamonga _ Maui ( La charge de Maui ), passent pour avoir été apporté de Boulotou, par Maui. Tous les anciens vous le diront, et il faut les croire !

CONTE TAHITIEN

_ " Ah bien ça, alors, pour une surprise, ce fut une surprise ! "

_ " De qui parles-tu ?"

_ " Je vais te raconter l'histoire de Hina. Tu verras : C'est une histoire très curieuse, que l'on retrouve dans toutes les îles du Pacifique, ou presque ... En tout cas, à Tahiti, tout le monde la connaît ...



Hina était la fille du soleil et de la lune ... Avec de tels parents, vous pensez bien que c'était une jeune femme superbe ... 
Et le mot est bien trop faible encore ... Jamais on n'avait vu une vahine aussi belle : Ses longs cheveux noirs parfumés au monoï ... Ses yeux plus brillants que la nacre d'une perle ... Sa peau veloutée et dorée ... Son sourire éclatant !

_" Bon, tu vas nous dire que tous les guerriers voulaient l'épouser ... On connaît ... Tu nous as déjà raconté ça ! "

Eh bien non, personne ne pouvait espérer conquérir le coeur de la belle : Pensez donc ... Avec un tel père et une semblable mère, il n'était pas question qu'elle épouse n'importe qui ... Ni même le plus beau des guerriers ou le plus fort des chefs ... Depuis sa plus tendre enfance, elle avait été promise en mariage au roi du lac Vaihiria, tu sais, le grand lac qui occupe un ancien cratère de volcan, sur les hauteurs de Tahiti ...

_" C'est bien dans ce lac que l'on dit qu'il y a de grosses anguilles ... "

_" Non seulement on le dit, mais c'est vrai, qu'elles y sont : Certaines sont grosses comme ma cuisse et sont longues de plus d'un mètre cinquante ... "

_" Tu nous racontes des histoires ..."

_" Mais non, pas du tout. Tout le monde te le dira ... On te dira aussi que ce sont des anguilles extraordinaires : Elles ont des oreilles ..."

_" Ne te moque pas de moi, ce n'est pas gentil ! "

_ Mais je ne me moque pas de toi ! Ce que je te dis est vrai : Dans le lac Vaihiria, il y a de grosses anguilles, et elles ont des oreilles, et il y en a toujours eu dans ce lac ... !
Justement, tu vas voir ... Je continue mon histoire...
Le moment venu, lorsque Hina atteignit ses quinze ans, ou à peu près, elle se soumit : C'était maintenant qu'il fallait accomplir le voeu de ses parents ... Hina se rendit jusqu'au lac Vaihiria, à pied, bien entendu, par le petit sentier qui part de Papara. Elle était si belle, lorsqu'elle prit ce sentier au petit matin que tous les jeunes-gens qu'elle rencontra furent éblouis : Pas un seul n'aurait pu dire qu'il l'avait rencontrée ... Tout simplement, ils auraient pu raconter qu'ils avaient croisé une forme si éclatante de lumière qu'ils furent obligés de fermer les paupières ...

Hina arrive donc au bord du lac. Elle écarte les buissons ... La voilà debout sur la berge. Elle entend qu'on lui demande qui elle est ...

_ " Je suis Hina. Mon père est le soleil, ma mère est la lune. Je viens rencontrer le roi du lac Vaihiria à qui je fus promise. Il doit faire de moi son épouse ... "

_ " Je suis le roi du lac Vaihiria. Je suis celui que tu cherches. Penche toi sur la berge et regarde : Je suis là ! "

Hina se penche, regarde ... Horreur ! Le roi du lac Vaihiria est une anguille ! Une grosse anguille brune avec des oreilles. C'est elle qui parle.
Terrifiée, désespérée, Hina tourne le dos et dévale le sentier en direction de Papara. Elle court tellement que l'on dirait un chevreau qui saute d'un caillou à l'autre, évitant ici un buisson, là un rocher, sautant les ruisseaux. Derrière elle, elle entend toujours le roi du lac qui l'appelle. Effrayée, elle se bouche les oreilles en y mettant ses deux paumes ouvertes.
Elle arrive, tout essoufflée et se précipite vers la maison de Maui, le héros légendaire, sans peur et sans reproche, fils des dieux lui-aussi.

_ " Maui ! Maui ! Viens à mon secours ! "


       Maui lui demande quel est l'objet de sa frayeur. Elle lui raconte tout. Qui résisterait à la fille du soleil et de la lune ? Maui monte jusqu'au lac ... Il appelle ... Usant de courage et de ruse, il parvient à pêcher l'anguille ... Il lui tranche la tête, qu'il met dans son panier de pandanus, et qu'il emporte, triomphant, pour la remettre à Hina-la-belle.

        Hina prend le panier, remercie avec effusion son chevalier-servant et repart chez elle avec ce curieux présent ... En chemin, elle passe près d'une cascade à l'eau pure. L'eau tombe de très, très haut, en chantant sur les rochers et en faisant gicler des gerbes de perles ... Hina décide de se baigner pour se remettre de ses émotions ... Elle pose son panier à terre. Il se renverse : La tête de l'anguille en tombe. O, Merveille ! La tête a pris racine. Elle donne naissance à un arbuste qui devient bientôt un grand arbre ..

_"Ce fut le premier cocotier de Tahiti ... Et maintenant, si tu mets en doute ce que je viens de te raconter, cueille une noix de coco, débarrasse la bien de la bourre qui la recouvre ... Là, maintenant, regarde bien : Est-ce que tu ne vois pas combien cette noix ressemble à la tête de l'anguille ? ... On distingue très bien, même, l'emplacement de ses deux yeux ..."

_" Mais c'est que c'est bien vrai : On croirait voir les deux yeux ..."

_" Je vais te dire ... Certains ajoutent avec malice que les noix de coco y voient effectivement très bien : Elles regardent très attentivement avant de se laisser tomber au sol ..."

_" Oui, celle-là, on me l'a déjà faite : Tu ne m'auras pas ... On dit qu'elle ne tombent que sur la tête des imbéciles ... Moi, je fais toujours attention lorsque je passe sous un cocotier, car on ne sait jamais ce que les autres peuvent penser de vous ! "

CONTE DES ILES SAMOA

               Sina était une très belle princesse des îles Samoa. Elle était alliée à tous les grands chefs de son temps. La réputation de sa beauté s'était d'abord répandue partout dans les îles proches, puis dans les îles Tonga et, au-delà, jusque dans les îles Fidji.
             Tous les grands chefs de son pays avaient rivalisé d'habileté et de parures pour toucher son coeur mais aucun, même le plus jeune, le plus beau et le plus fort d'entre eux, n'avait réussi à toucher son coeur.
              Ce furent ensuite ceux des îles Tonga qui se présentèrent. Ils s'essayèrent aux concours de javelots : C'était à qui en planterait le plus grand nombre dans la noix de coco la plus éloignée, fixée le plus haut. Ensuite, il y eut un concours de pêche au harpon et ce fut à qui, des plus hauts récifs de corail, prendrait le plus gros poisson, il y eut des courses sur la plage. On se défia à celui qui réussirait à soulever la plus grosse pierre, la plus lourde. Je crois même que l'on se défia à celui qui plongerait le plus profondément dans le lagon, à celui qui resterait le plus longtemps sous les eaux. Quelques uns y laissèrent la vie ... Les survivants rivalisèrent ensuite pour la beauté de leurs parures et la grâce de leurs chansons et de leurs danses. Rien n'y fit : Le plus jeune, le plus beau et le plus brave des chefs Tongans ne parvint pas à toucher le coeur de la princesse.


               Tingilau, fils du grand chef fidjien Tui-Viti décida d'aller voir la princesse qu'aucun chef n'avait pu conquérir. Paré de toute sa beauté, guidé par deux tortues favorites au service de ses dieux, suivi par une flottille de canots de guerre, Tingilau prit la mer. Il arriva à Samoa sans difficulté, porté par les eaux calmes et une douce brise.
Il se présenta devant la belle Sina : Beau et brave, gai et éloquent, il n'eut pas de mal à gagner le coeur de la princesse : Ce fut pour eux comme si le ciel s'était entrouvert ! Ils annoncèrent leur bonheur...
             Tous les chefs Samoans, piqués de jalousie, s'opposèrent au départ de la princesse : il n'était pas question qu'elle suivît un chef étranger!
Tingilau leur répondit que, dans son pays, personne n'aurait osé s'opposer aux désirs du fils de Tui-Viti. Il demanda à son équipage de se préparer à combattre . Mais Sina tempéra sa colère impétueuse en lui disant :

_ " Je ne peux pas me rendre à ton canot en marchant dans le sang de mes parents ! "

              Puis, mutine et rusée, elle ajouta :

_ " La lune est ronde et brillante ... Combien d'hommes faudrait-il pour vaincre la résistance d'une femme et de quelques-unes de ses domestiques, si on les trouvait se promenant tranquillement au bord de la mer au clair de cette pleine lune ? "


             Tingilau garda le silence. Il cherchait dans son esprit quel était le sens du message caché. Il réfléchit longuement puis il dit à la belle Sina qu'il se retirait, avec ses hommes, pour aller boire, comme tous les soirs, la liqueur sacrée du Kawa.
Sina avait compris : Elle attendit que le temps fût venu d'aller se promener sur la plage au clair de la lune ...

               Autour du bol à Kawa étaient assis Tingilau, fils de Tui-Viti, et ses chefs, choisis parmi les fidèles capitaines de sa flotte. Tingilau, s'adressant à eux, dit :

            _ " Mon père, Tui-Viti, attend notre retour. Je lui ai promis que nous sonnerions de la conque et du tambour, en arrivant, pour annoncer l'heureuse arrivée de la princesse Sina. S'il n'entend pas le tambour et la conque, jamais il ne nous laissera aborder les Fidji. Nous devons absolument ramener la belle Sina, que tous les autres chefs n'ont pu obtenir ... Cette nuit, quand la marée atteindra les pieux auxquels les canots sont amarrés et que la fraîche brise de terre apportera le sommeil aux jeunes guerriers samoans, que vos voiles soient prêtes et vos pagaies dehors ..."

                  Tingilau, fils de Tui-Viti but son kawa et il retourna vers la belle Sina. Il lui dit tranquillement à l'oreille:


_ " Je pense qu'un chef, avec l'aide de trois ou quatre guerriers fidèles, pourrait vaincre la résistance d'une jeune princesse et de trois ou quatre de ses suivantes, si elles se promenaient sur le rivage pour voir la marée montante et le coucher de la lune. "

           Avec un petit sourire en coin, Sina sussura à son oreille :

_ " Tingilau, le fils de Tui-Viti, pourrait s'en assurer en en faisant l'essai ... "

                Les suivantes de Sina chantèrent des chansons qui louaient sa beauté. Le refrain répétait à l'envi que jamais aucun chef ne pourrait toucher son coeur ou l'emmener ...
             Les compagnons de Tingilau chantèrent des chansons qui plaignaient leur chef: Le coeur répétait à l'envi l'impossibilité de toucher le coeur de Sina et la "nécessité" de retourner aux îles Fidji sans la belle princesse ...
Les jeunes Samoans s'endormirent tranquillement.

              Au moment où le milieu de la nuit était passé, quand la lune fut dans l'ouest, Sina et cinq filles se rendirent sur la plage de sables du rivage. Les flots montants battaient leurs pieds nus. Tingilau était là, avec cinq fidèles compagnons.


                 Chaque homme enleva son fardeau, qui restait silencieux, et le porta dans le canot de Tingilau. Les pieux furent abandonnés. La fraîche brise de terre gonfla les voiles. La belle Sina, qui avait attiré aux Samoa un si grand nombre de jeunes chefs des autres îles, parés de leurs belles nattes ornées de plumes de perroquet rouge, de leurs brillants ornements de tête en coquilles de nautilus , de leurs riches colliers de perles et de nacre, la belle Sina, dont le coeur n'avait pu être touché par aucun chef des Tonga, partait et s'éloignait sur la mer avec le beau et brave Tingilau, le fils de Tui-Viti ...