jeudi 30 août 2007

CONTE DES ILES-SOUS-LE-VENT

_ " Vas-tu encore nous raconter une histoire très compliquée, dans laquelle vont intervenir des monstres et des géants ? "

_ " Mais non, mais non ... C'est une très belle histoire. Et puis ... Ne penses-tu pas que, dans toutes les histoires venues des îles lointaines, il y a beaucoup d'aventures et beaucoup de personnages qui ressemblent à ceux de nos contes européens ? Tu sais, finalement, les hommes sont partout les mêmes et leurs histoires sont assez semblables ...



-"Taaroa est le dieu créateur. Oro est son fils , le dieu du soleil et de la guerre ... Il est le premier des dieux après son père.
Un jour, Oro décida qu'il voulait se choisir une compagne sur la terre, parmi les mortelles. Il descendit du premier étage des cieux jusque sur le Païa, montagne élevée de Bora Bora. Il appela les déesses Teouri et Oaaoa, ses soeurs. à qui il confia son projet :

_ " Voulez-vous m'accompagner et m'aider dans ma recherche pour trouver une compagne qui soit digne de nous ?"


           Comme elles avaient accepté de l'aider, ils descendirent tous les trois du sommet de la montagne : Ils s'étaient enveloppés de brouillard pour qu'on ne les voie pas et Oro avait convoqué l'arc-en-ciel, dont une extrémité reposait au sommet du mont Païa et l'autre sur la terre. C'est en suivant le chemin de l'arc-en-ciel, qu'ils descendirent tous les trois ...

_ " Oh ! Quelle belle image !"

_ Tu vois, cette image appartient aussi au trésor des contes européens ... "


               Ils prirent tous les trois, pour se dissimuler, une apparence humaine : Oro ressemblait tout à fait à un jeune guerrier, ses deux soeurs auraient pu être prises pour des jeunes filles du pays ...


                Ils parcoururent les différentes îles, donnant partout des fêtes, surtout des fêtes de l'espèce qu'on appelle operea, qui rassemblent toutes les femmes. Tout le monde y vint, et les tambours battirent, et les toere rythmèrent les danses. Les flûtes étaient aussi de la partie.

_ " Toutes ces fêtes n'avaient pour but, bien sûr, que de rassembler les femmes pour que Oro puisse faire son choix ! "

_ " Bien sûr !"

Mais, parmi les filles de Taata, ( Les filles de l'homme) le dieu n'en voyait aucune qui lui plût.
Comme le temps passait , le dieu Oro et ses deux soeurs commençaient à se lasser de leurs recherches.

_ " Dis-donc, Oro ... Nous voulons bien t'aider, mais cela commence à durer un peu trop. Ne crois-tu pas que tu trouverais plus facilement la compagne qui te plairait si tu cherchais dans le ciel ? _ Les déesses y sont nombreuses et il n'en manque pas de très belles ... Pourquoi t'obstiner à chercher une mortelle alors que les déesses, elles, jouissent de la vie éternelle ?"

_ " Je veux encore chercher à Bora Bora. Allons à Vaïtape ... "


*(toere : petit instrument à percussion en bois.)





         Ils partirent au village de Vaïtape, dans l'île de Bora Bora. Là, ils rencontrèrent une jeune fille, qui se baignait dans un petit lac, nommé Ovai aïa . Cette jeune fille était d'une rare beauté. Oro, charmé, dit à ses soeurs d'aller la voir, pendant qu'il remontait au sommet du mont Païa.

_ " Tu es allé à Vaïtape ? "

_ " Oui, j'y suis allé. Je connais bien ce village au bord du lagon, juste en face de la passe par laquelle les grand bateaux peuvent franchir le récif. C'est maintenant un très joli petit village, avec des barques et des pirogues. Il y a une église avec un clocher pointu. Il y a une école et même une pharmacie ... "

                Approchant, les deux déesses saluèrent la jeune fille. Elles louèrent sa beauté et elles lui dirent qu'elles venaient d'Anau, district de Bora Bora et qu'elles avaient un frère qui désirait s'unir à elle. Vaïraumati ( c'était le nom de la jeune fille ...) , examinant avec attention les étrangères, leur dit :

_ " Vous n'êtes point d'Anau, mais n'importe ... Si votre frère est arii (noble), s'il est jeune et s'il est beau ... Votre frère peut venir : Vaïraumati sera sa femme. "


           Teouri et Oaaoa remontèrent aussitôt au sommet du mont Païa pour faire connaître le résultat de leur leurs démarches à leur frère. Celui- ci appela de nouveau l'arc-en-ciel et redescendit vers Vaitape.
Vaïraumati l'attendait. Elle le reçut de façon parfaite : Elle avait dressé une table chargée de fruits et elle avait répandu sur le sol les nattes les plus fines et les étoffes les plus riches. Ils se marièrent et il y eut une grande fête avec toutes les danses imaginables.



                    Oro, charmé de sa nouvelle épouse, retournait chaque matin au sommet du mont Païa et redescendait chaque soir, par l'arc-en-ciel, jusque chez Vaïraumati.
Il resta ainsi longtemps absent du ciel. Ses frères, Orotetefa et Ouretefa s'inquiétaient. Ils appelèrent l'arc-en-ciel, à leur tour, et ils descendirent sur la terre. Ils cherchèrent sur toutes les îles.

              Ils le découvrirent enfin, avec son épouse, dans l'île de Bora Bora : Ils étaient assis à l'ombre d'un arbre sacré.
Ils furent tous les deux frappés par la beauté de la jeune femme. Ils n'osaient approcher d'elle et de leur frère sans leur offrir quelque présent. A cet effet, l'un d'eux se changea en truie, l'autre en plumes rouges. Ils redevinrent aussitôt eux-mêmes, mais la truie et les plumes rouges restaient. Ils approchèrent des nouveaux mariés et leur offrirent ces présents.

                  Il arriva que Vaïraumati se trouva enceinte ... La nuit suivante, la truie mit bas sept petits ... Oro prit l'un d'entre eux, se rendit jusqu'à Raïatea, l'île voisine, l'île sacrée. Il offrit le petit cochon à un homme dénommé Mahi, qu'il trouva au grand marae, ou temple de Opoa. On dit que Mahi devint , sur le marae de Opoa, qui est le lieu le plus sacré de la Polynésie, le premier prêtre de Oro et le gardien du temple ....


                  On dit aussi que Oro, retournant auprès de Vaïraumati lui annonça qu'elle accoucherait d'un fils. Il lui demanda de le nommer Hoa tabou te Raï ( L'ami sacré des cieux ).


Il ajouta :

_ " En ce qui me concerne, les temps sont venus. Vois, mes frères sont déjà venus me chercher. Je dois te quitter. "

          Se changeant alors en une immense colonne de feu, il s'éleva majestueusement dans les airs au-dessus du Piririre, la plus haute montagne de Bora Bora. Son épouse éplorée et le peuple saisi d'étonnement le perdirent alors de vue.
On dit enfin que son fils, Hoa tabou te Rai fut un grand chef, qui fit beaucoup de bien aux hommes. Il les délivra de nombreux maux. A sa mort, il rejoignit son père au céleste séjour...

_ " Et Vaïraumati ? "

_ " Oro la fit également monter au ciel où elle prit rang parmi les déesses ... Certains disent même qu'elle est devenue Hina, la déesse de la lune, qui se mire dans les eaux du lagon lorsqu'elles sont calmes et lisses ... "

Aucun commentaire: